L’école tunisienne se transforme en un lieu d’endoctrinement et une usine à formater les esprits

Quand l’école tunisienne se transforme en un lieu d’endoctrinement et une usine à formater les esprits, au service d’un projet de société islamo-conservateur. Un professeur rend hommage à une élève qui a décidé de porter le voile en organisant une petite cérémonie et en lui offrant un gâteau sur lequel est écrit « hijabek moubarek » (félicitations pour le hijab), et ce, sous les hourras et les applaudissements de ses camarades de classe.

Les imbéciles, habités par un conformisme intellectuel étroit et paresseux, s’extasient sur cette vidéo depuis ce matin et n’hésitent pas à mettre les progressistes râleurs en butte à toute sorte de reproches et de disgrâces. Le discours des décérébrés qui saluent l’initiative de ce pseudo-professeur dégouline de morale et de religieusement correct ; ils trouvent un malin plaisir à s’adonner aux mièvreries dont la populace raffole. Bien entendu, un véritable dialogue de sourds aura lieu ces jours-ci entre ceux qui applaudissent des deux mains cette regrettable initiative, tout en se réjouissant du pied de nez qui vient d’être fait aux dangereux laïcards qui ont un sérieux problème avec l’islam et qui souhaitent entraîner la société vers la voie de la sécularisation et du dévergondage. En réalité, c’est le genre de vidéo qui fait remonter à la surface le mal profond qui ronge la société tunisienne depuis longtemps : l’opposition de deux Tunisie.

En effet, les Tunisiens refusent toujours d’admettre qu’il existe deux Tunisie qui n’ont pas grand-chose en commun. Les fervents défenseurs de ce prof dont le geste tient davantage du prosélytisme que de la formation intellectuelle des futures générations font partie des Tunisiens qui désignent leurs compatriotes émancipées, notamment les filles qui affichent et assument leur féminité et leur beauté, a fortiori lorsqu’elles le font avec une lueur de provocation amusée, comme l’excroissance de la dépravation occidentale en terre d’Islam. D’où le fameux « mouch m’te3na » et l’argument d’autorité qui consiste à dire que « nous sommes une société arabo-musulmane et conservatrice ».

Les laïques marcheront comme à l’accoutumée sur des œufs et se verront sèchement interrompre au milieu de chaque phrase par les gardiens (autoproclamés) du temple de la morale publique et des bonnes mœurs. Ces derniers sont toujours contents d’avoir le beau rôle, à savoir celui des défenseurs des femmes voilées contre les laïcards intolérants, déracinés et au cerveau perverti par des valeurs occidentales favorables à la débauche et à toute forme de dépravation morale. Comme tous les défenseurs du voile vivant dans des pays qui ne sont pas (encore) tombés sous la coupe de l’obscurantisme islamique, les partisans du prof invoqueront les libertés individuelles : « le port du voile fait partie intégrante des libertés individuelles » répéteront-ils inlassablement.

Il faut comprendre que le voile et le libess ech-char’i d’une façon générale n’est pas le produit de la liberté individuelle. Les militants de l’Islam politique, en particulier les frères musulmans et les wahabo-salafistes, ont bien compris la faiblesse profonde des sociétés qui se veulent tolérantes : les libertés individuelles. Au nom de la liberté individuelle, ils réclament une liberté à laquelle ils ne croient pas, à laquelle ils n’adhèrent que lorsqu’elle sert leur cause, pour faire entrer des éléments islamiques dans le paysage public et les lieux d’apprentissage, les lieux qui servent de fondements intellectuels et culturels du citoyen de demain.

Encourager une jeune fille à porter le voile est, avant toutes choses, une volonté de marquer le territoire, de coloniser l’espace visuel et de conditionner les esprits dès leur jeunesse. On montre des éléments d’islamité pour dire : « Voilà, la rue et l’école tunisiennes sont islamiques ! Elles nous ressemblent. » On ne peut parler de libertés individuelles, alors que l’islam les nie. En outre, s’emmitoufler d’un voile, notamment lorsqu’il fait 40° degrés à l’ombre, cacher ses cheveux pour se priver de sa coquetterie au faîte de sa jeunesse ne m’a jamais semblé être un choix personnel qui relève du libre arbitre. C’est plutôt le résultat d’un endoctrinement qui s’exerce sur les jeunes esprits dès leur prime jeunesse et qui se base sur la diabolisation du désir et de la séduction.

Enfin, à ceux qui avancent l’argument de la liberté individuelle, je réponds toujours : les femmes qui portent le voile ont beau être tolérantes, sympathiques et apolitiques, toujours est-il qu’elles valident une vision de la société qui met la femme dans un état d’infériorisation car ce morceau de tissu symbolise une vision du monde très conservatrice et misogyne. Ainsi, naïvement, les femmes non politisées qui portent le voile par « conviction », ou celles qui voient en lui un simple habit conventionnel qui leur évite de se rendre régulièrement chez le coiffeur, perpétuent le patriarcat et se placent inconsciemment au service du projet islamo-conservateur et d’un obscurantisme moyenâgeux.

C’est pour toutes ces raisons que je considère que le port du voile est un archaïsme pathologique, une offense faite aux femmes et une atteinte au principe de l’égalité entre les sexes. Le pouvoir en place gagnerait à oeuvrer pour l’ouverture d’esprit, la tolérance et l’acceptation de la différence, bref à prémunir la société contre les germes du fanatisme …

Pierrot Le Fou