Le procès de l’attentat du Bardo s’ouvre avec plein de zones d’ombre

musee du bardo victimes attentatLe procès de l’attentat du musée national du Bardo, perpétré en 2015, s’est ouvert, ce mardi à Tunis, en présence de 21 accusés. Le parquet doit encore se prononcer sur la date de la prochaine audience.

Le procès de l’attentat du musée du Bardo s’est ouvert en catimini mardi 11 juillet à Tunis, plus de deux ans après cette attaque jihadiste lors de laquelle 21 touristes étrangers et un policier ont été tués, a-t-on appris de sources judiciaires.

Cette audience, qui n’avait fait l’objet d’aucune annonce préalable, s’est brièvement déroulée en matinée devant le tribunal de première instance de la ville, en présence de 21 accusés -dont deux femmes- en état d’arrestation, a affirmé Me Samir Ben Amor, un des avocats de la défense cité par l’AFP.

Trois autres, en état de liberté, ne se sont pas présentés, a-t-il ajouté.

Une trentaine de personnes est également poursuivie par contumace, a ajouté Me Rafik Ghak, autre avocat de la défense.

Le procès a été reporté sine die et le parquet doit désormais fixer la date de la prochaine audience, ont indiqué les mêmes sources. L’identité des accusés est par ailleurs inconnue.

Le porte-parole du pôle antiterroriste, Sofiène Sliti, était injoignable aux sollicitations de l’AFP.

Une enquête pleine de zones d’ombre

Dans la foulée de l’attaque, les autorités tunisiennes avaient procédé à l’arrestation d’une vingtaine de personnes, en affirmant avoir démantelé « 80% de la cellule » impliquée.

Quelques mois plus tard, huit d’entre elles, dont l’homme un temps présenté comme le principal responsable de la cellule, avaient toutefois été relâchées par la justice.

Durant l’enquête, les avocats de parties civiles françaises ont eux dénoncé à plusieurs reprises des « zones d’ombre ». Les familles « ne pourront pas faire leur deuil si des réponses ne leurs sont pas données », avait argué Me Samia Maktouf.

Du côté des parties civiles, les avocats français qui représentent les victimes et leurs familles sont loin d’accueillir ce procès avec soulagement.

Boycott du procès

Du côté des parties civiles, les avocats français qui représentent les victimes et leurs familles sont loin d’accueillir ce procès avec soulagement.

L’un d’eux, Me Philippe de Veulle, a annoncé dans un communiqué adressé à l’AFP son boycott du procès, affirmant qu’il n’offrait pas « les conditions d’une justice sereine et indépendante ».

De son côté, selon Le Parisien, Me Gérard Chemla, qui défend avec Me Pauline Manesse 27 parties civiles, a adressé une lettre à la garde des Sceaux dans laquelle il s’insurge contre la volonté de Tunis de faire payer aux victimes françaises leurs frais de déplacement et de leur fournir des avocats commis d’office. « Il est inenvisageable que mes clients confient leur défense à un avocat qu’ils n’auront jamais rencontré. Il est de la responsabilité de l’État d’accompagner les victimes françaises. La France ne peut pas être spectatrice de ce procès », écrit-il.

Pour le moment aucune des victimes ou proches de victimes françaises n’a prévu de faire le déplacement en Tunisie.

Fin 2016, le parquet de Tunis avait annoncé la clôture de l’enquête par le juge d’instruction, et la tenue d’un procès dans le courant de l’année 2017, sans autres précisions.

Dès l’ouverture de l’enquête, les avocats des partis-civiles françaises ont souvent dénoncé le travail de la justice tunisienne, altéré par des retards d’envoi des procès-verbaux d’interrogatoires, parfois transmis en arabe, des querelles intestines entre services de sécurité et des allégations de torture sur des suspects.

Me Philippe de Veulle a également dénoncé les supposées sympathies islamistes du juge d’instruction du pôle antiterroriste chargé de l’affaire, Béchir Akremi. En août 2015, le magistrat a ordonné la remise en liberté de six complices présumés des auteurs de l’attaque du Bardo après que ces-derniers ont dit avoir été victimes de torture.

« Plus aucune charge n’est retenue contre eux, alors que l’enquête avait établi, pour deux d’entre eux, qu’ils avaient transporté les terroristes ou des armes », s’énerve Me de Veulle dans une interview accordée au Parisien.

Deux ans et demi après l’attentat, la défense n’a toujours pas reçu la totalité des pièces. « Nous ne disposons que du dixième du dossier pénal tunisien », déplore Me Manesse.

Avec agences