Histoire d’une photo

L’orage battait le pavé ! Le roulis de tonnerre faisait trembler le plafond ! Les torrents charriaient toute la crasse accumulée depuis 7 ans. Madame la mairesse de cette petite localité priait. Son mari à côté ronflait, béat.

Elle jeta un regard sur sa « Symbol » garée en bas, son droit et sa fierté que son barbu de mari lui enviait. Combien de fois l’a-t-elle supplié, en vain, de s’abstenir de l’utiliser pour aller au café. Qu’à cela ne tienne ! Il n’y tenait que de la monter quand il allait à la prière du vendredi. L’élection de sa femme à la mairie, qu’il chevauchait régulièrement toutes les nuits de Jeudi, le transformait auprès de ses amis croyants et compagnons de jeu de cartes au café crasseux du quartier , de looser éternel dans ses parties de dominos, en notable politicien fréquentable, consultable sur touts les problèmes de la scène nationale et internationale : De la palestine, au mariage HCE –Riahi à Washington, jusqu’au tweet lancé par Trump à partir de Goubellat sur Kim il jung .
Madame la mairesse s’élançait en « hamdoullah(s) » répétés à Dieu la haut qui avait épargné sa voiture de sa colère. Elle alla même le remercier de deux rakk3ats pour avoir fait office de « lavage auto » gratos lorsqu’elle la vit reluire sous le seul réverbère intact réparé la veille réparé par un employé barbu de sa mairie sous ses ordres. L’aube naissait. Elle déterra de sa garde robe unifiée en djellabas, son deux pièces blanc de blanc de Daesh , sentant la naphtaline, qu’elle n’a pas revêtu depuis le mariage de la fille de la voisine de sa sœur avec le marchand de légumes du coin ; se serra la tête dans son foulard , passage obligé celui là ; chaussa ses talons lamés ; se regarda dans la glace et se rassura : Non elle est loin de ressembler à cette patate de députée sous son jelbab. Elle est maintenant égale sinon plus moderne que la grande Souad Abderrahim que ces koffars et 3elmenyine ne pouvaient blairer.
Bref, elle enfourcha sa « Symbol » de fonction et se dirigea vers sa mairie. Toutes les radios répercutaient l’ampleur des inondations et le zèle que mettaient les autorités à secourir les populations. Elle ne voulait pas rester en reste et décida de faire comme les autres. Le chaouch en Djean roupillait . L’ingénieur en chef de l’urbanisme, rescapé de l’amnistie générale , à la barbe foisonnante, marmonnait des versets seb7a à la main. Le responsable de la voierie fumait sa clope adossé à un pilier marbré. Le assalaaaamou aleykoummmmm matinal et étalé, typique de ces gens qui craignent Dieu de sa voix de femelle décidée sonnait comme un réveil de clairon pour toute l’équipe municipale. « Nous allons inspecter la localité et voir les défaillances qui pourraient constituer un obstacle à l’écoulement des eaux. Ali, tu gares ma voiture sous le préau et fais gaffe à la boue, Salah tu nous amènes la voiture de service et toi tu appelles le photographe Ayoub et tu lui dis de nous rejoindre. Réveilles le chez lui s’il le faut , même s’il n’est pas dans sa boutique. »
Ils serpentaient dans les ruelles trempées aux chaussées défoncées .Madame la mairesse tressautait dans les nids de poule lorsque le conducteur du tracteur en éclaireur du cortège aperçut une gomma ouverte. La mairesse s’extasia. Elle descendit de la voiture, fit attention à ses talons lamés, porta la main à son menton pour faire semblant d’être pensive aux voieries, jeta un coup d’œil au photographe qui cliqueta de son vieux appareil Canon et figea madame la mairesse pour la postérité dans son élan de solidarité avec les populations sinistrées.

Fadhi Ch’ghol