La « révolution des lumières » de Abir n’est pas la révolution bourguibienne.

La révolution des lumières c’est la continuation de la révolution bourguibienne que les destouriens ont abandonnée depuis le début des années 70.

Parler des dix années que l’on vient de passer depuis Janvier 2011 en termes de bilan et de coût de l’instauration de la démocratie me semble hors de propos pour évaluer notre expérience révolutionnaire, nécessairement chaotique, hésitante et dont l’évolution est obligatoirement floue et imprévisible. La révolution ne peut être perçue et discrètement assumée que par ceux qui la considèrent comme un acte de foi; non pas religieuse mais fondamentalement culturelle qui place l’activité de résistance politique dans une optique de spiritualisation continue de la condition humaine. Le travail créateur de richesse matérielle et immatérielle symbolique en est le moteur. C’est pour cette raison que je dis que la quantification du coût de ce qui n’a pas de coût relève d’une mentalité qui ignore l’économie du symbolique dont celle de toute révolution fait partie. Ce sera dur à comprendre par les masses que l’on a conditionnées durant des années à seulement survivre et bien survivre pour certains nantis; sans avoir la moindre idée de la vie de l’être humain libre. Car la liberté ne peut être donnée ou accordée, sans qu’elle ne se transforme en produit de consommation aliénante.La liberté est une acquisition permanente de la dignité par laquelle l’être humain retrouve sa dimension divine originelle.

C’est cette liberté de consommation dont la contre-révolution anti-culturelle de 2011 a inondé le marché des idéologies, qui n’arrive pas à compenser les effets désespérants de la faillite politique à tous les niveaux que connait notre pays depuis dix ans. Il y a une grande différence entre la liberté d’expression et la liberté de penser qui est l’activité de produire une pensée libre..

Quand je parle de révolution, la nôtre, je ne parle pas de la révolution contre-révolutionnaire du 14 Janvier mais de celle de Bourguiba que les destouriens ont abandonnée à partir du début des années 70. C’est pour cette raison que je parle, aujourd’hui, de « re-démarrage » et non pas de démarrage. Et le « re-démarrage » ici, est compris dans un sens radicalement différent de celui qu’en donnent les utopistes métaphysiciens de l’entourage de Kais. Et Bourguiba , sans son « Utopie dans la Réalité » de l’Islam Révolutionnaire et progressiste cela donne du Abirisme qui peut laisser espérer la fin du cauchemar mais n’annonce pas le redémarrage de la Révolution bourguibienne à laquelle Abir n’a pas les moyens d’y croire.

Professeur Naceur Ben Cheikh

A ceux qui se déchargent sur Ennahdha pour expliquer les dégâts notoires que l’Etat tunisien continue à subir depuis dix ans et surdimensionnent, par la même, les capacités de nuisance de Ghanouchi et ses acolytes, je dis que ce qui nous arrive s’explique aussi par le fait
que la Tunisie, durant la parenthèse Ben Ali, était devenue objectivement destructible. Ghanouchi n’a fait que profiter de l’action de déculturation politique de l’acquis bourguibien menée par Hamed El Karoui, Abdelwahab Abdallah , Abdallah Kallel, et des opportunistes dont Mohamed Ghariani est le modèle. La Tunisie de 2011 était déjà « mûre pour être cueillie » ( le mot est de Bismarck) par n’importe quel aventurier. Une grande partie de ceux qui ont voté Ennahdha appartenaient à la base opportuniste du RCD. En plus des laissés pour compte des « réussites économiques » du capitalisme sauvage de la période Ben Ali.