Qui se cache derrière la mort des jeunes de Hajeb El Ayoun ?

Aujourd’hui, bon nombre de Tunisiens ont remis sur la table la question de l’interdiction de la vente d’alcool dans la région de Kairouan. Ils reprochent également à l’État d’approuver cette prohibition, qui par ailleurs profite aux vendeurs au marché noir, sous prétexte que Kairouan est une ville sainte.

Je pense qu’il faut aborder le sujet du drame qui vient de secouer la petite ville de Hajeb El Ayoun sous son angle le plus pertinent : le conservatisme social, l’hypocrisie et les lois rétrogrades qui conviennent à une grande partie de la population tunisienne et qui la rassurent dans ce qu’elle a de plus archaïque, charaïque et liberticide.

Il ne faut pas omettre de dire qu’une bonne partie de la population tunisienne est inspirée par une bigoterie despotique, et parmi elle se trouvent des buveurs invétérés. La société tunisienne est, en général, buveurs compris, contre la généralisation de la vente d’alcool et la multiplication de petits débits de boissons alcoolisées.

Cette politique restrictive arrange tout le monde, y compris les jeunes qui en pâtissent, car l’interdiction de la vente d’alcool et le dénigrement des consommateurs d’alcool sont en parfaite concordance avec la doxa.

Les jeunes de Kairouan que l’on pleure depuis ce matin, les jeunes qui moisissent dans les petites villes, ceux qui sont privés des petits plaisirs de la vie et meurtris par la frustration, perpétuent un système de valeurs archaïques qui entretient les frustrations et les stéréotypes dont ils sont eux-mêmes victimes.

Certes, les jeunes tunisiens sont victimes de toutes sortes de répression – cette dernière atteint du reste son paroxysme quand s’y mêle la religion, la morale et les mœurs sociales -, mais ils sont les premiers à émettre des discours qui reflètent une vision du monde très imprégnée de conservatisme, de formalisme et d’interdits.

La plupart d’entre eux adhèrent aux dogmes et valeurs d’inspiration patriarcale et religieuse et sont des conformistes bien adaptés à cette société qui se veut conservatrice et encline au halal. D’ailleurs, si ça se trouve, parmi les victimes, certains étaient contre la vente d’alcool dans la ville de Kairouan.

Bref, il ne faut pas faire porter toute la responsabilité à l’État. Si les Tunisiens, à commencer par les jeunes, ne veulent pas se libérer de l’archaïsme dans lequel ils se laissent pourrir, ce n’est pas toujours à cause du gouvernement et de l’État.

C’est plutôt cette société sclérosée qui est responsable de la mort des jeunes de Hajeb El Ayoun, elle ne supporte pas l’idée de voir les boissons alcoolisées en vente un peu partout sur le territoire national. L’alcool est interdit dans la région de Kairouan, les licences de vente d’alcool sont distribuées au compte-gouttes dans l’ensemble du pays, et ceux qui s’en réjouissent sont de loin plus nombreux que ceux qui s’en offusquent.

P.S : Si ces jeunes étaient encore en vie , ils seraient contre la vente d’alcool dans leur région .Ils sont également victimes de leur propre hypocrisie .  

Pierrot LeFou