Menaces réelles sur les plages hôtelières: problèmes et esquisse de solutions .

Wahid Ibrahim

Wahid Ibrahim

Quand on voit les effets pervers de la sur-fréquentation des plages publiques, au cours des cinq dernières années, par des hordes d’estivants irresponsables et peu respectueux de l’environnement et des règles du « vivre ensemble » et quand on constate l’inefficacité notoire des services officiels et leur incapacité à faire respecter la loi, on ne peut que mesurer la profondeur des dégâts et la gravité des dangers qui menacent l’infrastructure touristique du pays.
Le tourisme tunisien, qui procède d’un mode de production et de commercialisation de masse, repose essentiellement sur les avantages climatiques estivaux et la qualité des plages .
D’où l’aménagement de zones essentiellement balnéaires, de Tabarka à Zarzis.
Tous les investissements en infrastructures et en superstructures qui ont coûté des milliards de dinars à la collectivité publique, aux banques et accessoirement aux investisseurs privés, l’ont été avec l’unique vision d’un tourisme balnéaire de masse occupant les plus belles franges du littoral.
Aujourd’hui, avec l’émergence d’une classe « moyenne » qui revendique, parfois avec véhémence, ses droits aux loisirs balnéaires, on assiste à une véritable déferlante vers les plages extra-hôtelières non aménagées.
Ces dernières arrivent à saturation et génèrent, parfois, des réactions de rejets.
Que va-t-il se passer, si on n’y prend pas garde et si on ne canalise pas ces flux de vacanciers dont le volume augmente d’un été à l’autre ?
Tôt ou tard, les estivants locaux iront regarder du côté des plages hôtelières aménagées, d’autant plus que les lois du littoral leur donnent le droit de profiter du plaisir des baignades et qu’elles ne prévoient aucun mécanisme de privatisation de la frange humide du littoral.
La police touristique aura beau veiller au grain ( de sable ?) elle ne pourra pas chasser des baigneurs pacifiques profitant de l’eau de mer.
Vous pouvez imaginer la suite.
Soit on révise la Loi du Littoral en autorisant la privatisation du front de mer hotelier avec toutes les conséquences de réactions citoyennes, soit on laisse faire et on peut dire adieu à ce qui a fait jusque-là la renommée du tourisme balnéaire tunisien: propreté, sécurité, services, qualité de plage et d’eau de mer…
Alors que faire ?
L’une des solutions, à mon avis, est de réviser de fond en comble le plan d’aménagement du littoral, de tout le littoral du nord au sud, en vue de prévoir l’implantation de « complexes » de loisirs estivaux pour clientèle de passage ( nationale et internationale), comportant notamment toutes les commodités et tous les équipements : plages aménagées ( à l’instar de la Côte d’Azur ou des Balkans), des piscines olympiques, des restaurants, des espaces commerciaux, des blocs sanitaires avec douches publiques, jardins d’enfants, terrains de sport…etc
Ce qui se fait aujourd’hui et qu’on appelle  » buvettes  » de plages et autres « projets saisonniers », relève de l’improvisation débridée, cautionnée souvent par l’APAL et les municipalités locales.
Ces complexes new-look serviront de soupapes pour soulager la pression qui ne manquera pas de s’exercer de plus en plus sur les plages dites hôtelières.
Alors, soyons conscients des dangers réels qui menacent le tourisme balnéaire, principal fond de commerce de notre production touristique pour de longues années encore et encore, allons résolument vers des solutions radicales et durables.
Le tourisme alternatif, comme fausse « alternative » ne remplacera jamais la masse et l’échelle du tourisme balnéaire et restera comme une cerise sur le cadeau.
La cerise fait toujours jolie mais ne nourrit pas son homme .
Du moins pour le moment.

Wahid Ibrahim