Sarah Toumi, jeune Franco-Tunisienne, a décidé, après ses études en France, de revenir à Bir Salah, le village de son grand-père, et d’y créer « Acacias for all », une entreprise sociale qui forme les paysans à des techniques agricoles durables et lutte contre la désertification des terres en Tunisie..
“A neuf ans, je suis allée pour la première fois en Tunisie, dans le village familial de mon père, à Bir Salah à l’est du pays. Pour moi, qui grandit alors à Paris avec mes parents, ce fut une révélation. J’y découvre que mes cousines ne vont pas à l’école, des conditions de vie précaires. C’est décidé, je veux aider les autres.
De père en fille
En 1998, mon père, très impliqué dans le monde associatif, à créer une ONG de défense des droits de l’enfant en France, puis une structure similaire en Tunisie. Je le soutien du haut de mes 10 ans et lorsqu’il retourne s’installer à Bir Salah en 2004, nous montons une association pour l’ouverture de bibliothèques. En 2008, je fonde moi-même Dream, un réseau d’entrepreneuriat pour les jeunes.
Au fil de mes voyages en Tunisie, je prends conscience que le pays est en train de perdre face au désert. Mes grands-parents, auparavant de riches agriculteurs, peinent à vivre de leur travail. La pauvreté et les inégalités augmentent et les femmes sont les premières victimes, obligées de trouver n’importe quel travail. J’ai envie de trouver une solution concrète pour lutter contre cette désertification et ce qu’elle engendre.
De la France à la Tunisie
A la fin de mon Master en littérature française, je décide de quitter Paris. Le déclic a été le décès de mon père en 2012. Je me rends compte que la vie est trop courte et que je ne voulais plus attendre pour réaliser mes rêves.
J’avais entendue parler d’une idée mise en place au Soudan : utiliser les acacias pour régénérer les sols désertiques. Diplômée, je n‘avais rien à perdre. Je pars m’installer en Tunisie. J’y lance le programme “Acacias for all” : inciter les agriculteurs à planter des acacias et à adapter leurs exploitations agricoles pour leur assurer davantage de revenus durables.
Une jeune femme au milieu des hommes
Au début, je n’étais pas prise au sérieux par les autorités et les agriculteurs hommes qui étaient sceptiques. Je suis une femme, jeune de surcroît… Je me tourne donc vers des femmes : elles seules étaient prêtes à me faire confiance !
Le projet se développe petit à petit avec des agricultrices. J’ai dû faire mes preuves, me battre quotidiennement contre la méfiance, les traditions voire la méchanceté. Je pensais d’ailleurs abandonner, lasse, et retourne en France en 2014, accompagnée de mon mari et de ma fille. Mais impossible de rester inactive à Paris ; quelques mois après, je suis retournée à Bir Salah, bien décidée à m’imposer et à convaincre.
100.000 arbres plantés
Aujourd’hui, je crois que j’ai réussi : Acacias For All a planté plus de 100.000 arbres en Tunisie. D’ici 2018, ce sera un million. Les terres renaissent et les agriculteurs peuvent vivre du fruit de leur travail. Et avec l’aide de mon mari, lui aussi agriculteur, et l’éclairage médiatique qu’ont donné à mon projet des prix internationaux comme les Rolex Awards dont ‘ai été lauréate en 2016, j’ai même réussi à persuader le Gouvernement et des agriculteurs hommes de venir travailler avec moi.
D’ici 5 ans, Acacias For All devra pouvoir continuer sans moi. J’ai envie d’autres projet comme de créer ma fondation, d’écrire, de raconter mon parcours pour inspirer les autres. J’aime toujours autant l’Art et l’archéologie et voudrais protéger des sites en voie de disparition”.
Sarah Toumi, 29 ans
Source : start.lesechos.fr