Retour sur l’affaire de l’Université française en Tunisie pour l’Afrique et la Méditerranée (UFTAM)

En aucune façon, les intérêts, la législation et les moyens de notre pays et de notre université, ne doivent être exploités à des fins personnelles !
Le 14 février 2019, Slim Khalbous, à l’époque ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, signait avec son homologue française, Frédérique Vidal, un protocole d’accord relatif à « la création d’un établissement d’enseignement supérieur et de recherche de droit tunisien, l’UFTAM » (article premier).
Trois jours auparavant, il signait avec la directrice générale de la Caisse des dépôts et consignation une entente relative à « une stratégie commune entre les deux parties pour la mise en œuvre de l’UFTAM, de l’étude d’opportunité à l’élaboration du cadre juridique et financier du projet » (article 3). Ces deux documents n’ont pas été diffusés au grand public.
Le 13 août 2019 paraissait dans le JORT n°80 page 3031, un avis de création d’une association portant le nom d’UFTAM, ayant pour objectif « de contribuer à l’accompagnement technique et financier de la mise en œuvre de l’UFTAM ».
En septembre 2019, l’UFTAM entamait ses activités dans les locaux de Tunis Business School, établissement public de l’Université de Tunis, avec des frais d’inscription de 9.000 dinars/an.
Dépourvue de cadre juridique réglementant sa création et ses activités, l’UFTAM bafoue tous les textes régissant l’enseignement supérieur en Tunisie, notamment la loi 19-2008 du 19/2/2008 relative à l’enseignement supérieur et la loi 73-2000 du 25/7/2000 relative à l’enseignement supérieur privé, ainsi que leurs textes d’application respectifs. Ce démarrage a suscité une vive indignation au sein de la communauté universitaire, en raison de la précipitation et du manque de transparence dans la genèse du projet, de son cadre juridique illégal, de son mode de gestion confié à une association et de l’utilisation abusive des ressources de l’Etat.
Mais ce démarrage précipité ne peut être isolé d’un autre événement initié en mars 2019 : la course vers le poste de directeur exécutif (recteur) de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) est ouverte et Slim Khalbous a manifesté son intention d’y concourir, ce qui constitue un conflit d’intérêt évident. Le 27 septembre, Slim Khalbous est élu recteur de l’AUF, mais restera quand même ministre jusqu’au 8 décembre 2019, la veille de sa prise de fonction.
Suite à de nombreux échanges sur les réseaux sociaux, ce dossier de l’UFTAM et son inter-connexion avec l’AUF ont été traités par certains médias, mais aucune réaction des autorités garantes du respect de la loi n’a été enregistrée. Devant ce mutisme inquiétant, surtout de la part du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, il est urgent de :
1- Arrêter sans délai les activités de l’UFTAM qui constitue une violation de la législation tunisienne.
2- Ouvrir une enquête indépendante et transparente et en publier les résultats dans un délai de 45 jours à partir de la création de ladite commission.
3- Déterminer les responsabilités, entamer si nécessaire une procédure en justice et sanctionner les contrevenants qui ont porté un sérieux préjudice au système universitaire tunisien.

Adel BEN AMOR (Professeur hospitalo-universitaire)

Karim BEN KAHLA (Professeur universitaire)