Nous avons une mentalité de bédouins ingrats

« Les plaques de rues de Mutuelleville me donnent de l’urticaire : rue Ouhod, rue Khaled Ibn Walid, rue Badr, rue Slaheddine Ayoubi… Ces noms jurent avec l’architecture des villas et l’identité de ce quartier construit au temps du protectorat pour les fonctionnaires français. Les identitaires aigris qui ont rebaptisé ces rues étaient mus par un esprit revanchard. »

C’est dans la suite logique du sujet abordé tout à l’heure ci-haut à travers les noms des rues de Mutuelleville que j’ai décidé de jeter l’anathème aux Tunisiens à cause de leur ingratitude et de rendre hommage à deux grands noms, à savoir Ernest Conseil et le Baron d’Erlanger.

Les Tunisiens ont changé le nom de l’hôpital Ernest Conseil, le médecin-biologiste français qui, en 1911, après l’épidémie de choléra, a eu l’idée de créer un hôpital près du vieux fort de . D’aucuns ne savent pas que l’hôpital La Rabta de Tunis portait le nom d’Ernest Conseil.

Ce dernier a participé, au début du vingtième siècle, à la lutte contre l’épidémie de typhus exanthématique qui faisait rage en Tunisie et contre les épidémies de la peste et du choléra qui ont également frappé le pays à cette même époque.

Il a, peu de temps plus tard, participé à l’amélioration de la réglementation sanitaire en éradiquant les foyers de peste chez les tribus locales et mis au point, en 1930, l’année de son décès à Tunis, un traitement de la variole. Ernest Conseil est un médecin-humaniste de génie qui a sauvé de nombreuses vies humaines en Tunisie.

Quant au Baron d’Erlanger, c’est un homme a tant donné pour les arts, notamment pour la peinture et la musique arabe. Cela ne l’a pas empêché de subir le même sort qu’Ernest Conseil. Son palais a été rebaptisé Ennejma Ezzahra .

Ces deux grands hommes font partie de ces personnages mythiques dont il n’existe plus d’autres souvenirs que quelques noms inscrits sur des plaques bleues égarées dans la capitale. Au lieu de les inscrire pleinement dans la mémoire collective tunisienne, de les représenter glorieusement et d’en faire une source de fierté pour tous les Tunisiens, on les remercie en effaçant leur mémoire et en renommant les édifices et institutions qui, quelques décennies plus tôt, ont été baptisés en leurs noms.

Il viendra le jour où ces noms seront définitivement effacés de la mémoire de la ville de Tunis et de ses habitants, si ce n’est déjà le cas. Nous avons une mentalité de bédouins ingrats, d’esclaves, notre mentalité est une lugubre antithèse du sentiment de noblesse. En effet, l’esclave n’aime pas se montrer reconnaissant, cela le renvoie à sa condition inférieure de bipède qui se contente de satisfaire certains besoins et de végéter au bord de l’abîme.

Pierrot LeFou