« Mille milliards de dollars », un film en avance sur son temps

Je viens de regarder Mille milliards de dollars de Henri Verneuil. C’est vraiment un film d’enquête passionnant et prémonitoire sur le pouvoir croissant des multinationales et les ravages de la mondialisation, un thriller politique façon Costa-Gavras et Boisset.

Résumé du film

Paul Kerjean (Patrick Dewaere), grand reporter dans le quotidien prestigieux La Tribune, est contacté par un informateur anonyme. Jacques Benoît-Lambert, un important politicien et industriel exerçant dans le domaine électronique, aurait touché des pots-de-vin. Paul est un journaliste d’investigation fonceur, ambitieux et têtu, il mènera son enquête avec beaucoup d’énergie et se heurtera à une grosse affaire. En effet, l’enquête le mènera jusqu’aux hautes sphères du pouvoir politico-économique.

L’enquête journalistique en question révélera les super-pouvoirs d’une multinationale américaine, la GTI, dirigée d’une main de fer par Cornelius « Nell » Abel Woeagen (Mel Ferrer). Même si le film a près de quarante ans (il est sorti en 1982), l’on s’aperçoit qu’il était assez prémonitoire sur cette puissance inquiétante des multinationales et les prémisses de la mondialisation. Dans Mille milliards de dollars , les agissements de la GTI, la multinationale tentaculaire, font froid dans le dos. Ce qui fait la force de ce film, c’est que l’histoire a donné raison à Henri Verneuil, réalisateur et scénariste de ce thriller politique, en entérinant toutes ses observations. Les inquiétudes du réalisateur de étaient on ne peut plus justifiées.

En réalité, Henri Verneuil ne dénonce pas le système capitaliste en tant que tel dans ce film, il prône le retour au capitalisme d’antan qui, en l’occurrence, était patriote et paternaliste. Verneuil prône le retour à des valeurs plus traditionnelles et saines, le plan de la fenêtre de l’hôtel de la séquence finale est éloquent à ce propos. En effet, il laisse apparaître un beau paysage de la campagne, avec le clocher au milieu du village et l’ambiance sonore de la campagne française à l’aurore, le moment où les oiseaux commencent à chanter au petit matin. Ce film annonce, dans une certaine mesure, le nationalisme qui traverse la France d’aujourd’hui, soit cette conception de type antimondialisation qui voit entre autres dans la France de la terre et des campagnes un refuge face à la corruption de la ville et de l’élite parisienne profondément mondialiste.

Même si Mille milliards de dollars   repose entièrement sur les épaules de Patrick Dewaere, il offre une pléiade de grands acteurs tels que Jeanne Moreau, Anny Duperey, Charles Denner, Michel Auclair, Jean-Pierre Kalfon, André Falcon, Fernand Ledoux et l’acteur américain Mel Ferrer, impressionnant dans le rôle du grand patron cynique de la GTI et aussi séduisant que glaçant. Visiblement, à l’époque, tout le monde voulait tourner avec Henri Verneuil.

Patrick Dewaere est, comme on le sait bien, connu pour ses rôles amusants et décalés. Il n’en reste pas moins qu’il est excellent dans ce rôle de journaliste parti en croisade pour dénoncer les scandales et les magouilles politico-économiques. C’était un excellent acteur. On a l’impression que, dans Mille milliards de dollars , il commençait à prendre plus d’ampleur, d’aisance et de maturité. Paul Kerjean fut, hélas, l’un de ses derniers rôles. Patrick Dewaere mourut en 1982, l’année de la sortie du film.

Mille milliards de dollars est un film à la croisée de deux dimensions : divertissement et pamphlet politico-économique. Les réalisateurs géniaux de cette époque étaient capables de conjuguer le divertissement avec la profondeur. C’est surtout un film en avance sur son temps grâce à la remarquable intuition de Henri Verneuil.

A voir.

Pierrot LeFou