Merci au FMI de nous informer de ce que mijote notre gouvernement pour nous

Mosaique FM vient de rendre publique la réponse de la directrice générale du FMI à la requête que lui a adressée le chef du gouvernement pour l’appeler au secours de la Tunisie et de ses finances publiques ( lire ci-bas

Nous apprenons ainsi que:

1. Le chef du gouvernement a adressé une requête au FMI en date du 19 avril. Nous ne le savions pas. Le peuple tunisien n’en a pas été informé. Pourtant ce n’est ni un acte banal ni un acte mineur. Est-ce que président de la république en a été informé? Est-ce que le président du parlement le savait?

2. La requête était signée du chef du gouvernement. Ce n’est pas l’usage. La règle veut qu’elle soit signée du ministre des finances et du gouverneur de la banque centrale. Ce n’est d’ailleurs pas une question de formalisme mais la requête doit expliciter la politique économique et monétaire des autorités tunisiennes sur les années à venir. Sa signature par le chef du gouvernement relève de deux hypothèses : soit il a voulu insister sur le caractère politique et non technique de la démarche, soit l’un ou l’autre ou les deux supposés signataires ont préféré que ce soit le chef du gouvernement qui assume la responsabilité de la requête.

3. Le chef du gouvernement semble avoir retenu dans sa requête l’ensemble des recommandations émises par les équipes du FMI lors de leur mission de décembre 2020-janvier 2021 relative à l’examen de la situation tunisienne au titre de l’article IV des statuts du FMI. Il a donc adopté la position du “Bon Elève” qui ne se fera pas refuser la récompense.

La réponse de la directrice générale n’en est pas moins édifiante. Après les remerciements et encouragements d’usage, elle rappelle certains principes:

1. Si nous sommes d’accord sur les grandes lignes, nous attendons votre programme de réformes détaillé

2. Ce programme que vous nous proposerez devra faire l’objet d’une évaluation par les équipes techniques du Fonds. Sa cohérence, sa faisabilité, son appropriation doivent être testées.

3. Si tout cela était avéré, un accord pourrait se mettre en place.
Elle insiste alors sur l’aspect assistance technique et formation.

En clair:

1. Ne mettez pas la charrue devant les bœufs. Ne venez pas à Washington dans les prochaines semaines avant de nous avoir présenté un programme détaillé et crédible. Ne croyez pas qu’en venant à Washington dans l’état actuel des choses, vous pourriez repartir avec un accord.

2. Ne croyez pas qu’un éventuel accord avec le Fonds réglera tous vos problèmes. Nous serons là pour vous appuyer, vous assister et vous former. Mais ce que nous vous apporterons en argent ne répondra que très peu à vos besoins.

Deux derniers commentaires qui ne peuvent pas venir de la lecture de la lettre du FMI:

1. L’acceptation des conditions du FMI permettra peut-être, après une cure sévère d’austérité inévitable, d’améliorer la situation des finances publiques et des grands équilibres macro financiers. Elle ne permettra pas d’améliorer le quotidien des tunisiens, d’impulser la confiance, l’investissement, la création de richesses et le retour de l’espoir.

2. Aucun accord ne sera possible si la crise institutionnelle perdure au plus haut niveau de l’État.
La Tunisie a besoin d’une politique économique et financière inclusive qui permette à chaque tunisienne et tunisien d’être partie prenante au processus de développement et de création de richesses.

L’inclusion doit être le dénominateur commun de toutes les politiques publiques.
Le redressement de notre industrie, de notre agriculture et de nos services à haute valeur ajoutée doit être une priorité nationale. Des stratégies sectorielles ambitieuses doivent être définies et mises en œuvre sans délai.

La bureaucratie doit reculer, les situations de rentes aussi.

Nous devons assumer d’être des citoyens du XXIème siècle, globaux, performants et solidaires.

Rien de cela n’a sa place dans des échanges austères, mais aujourd’hui incontournables, avec des institutions financières internationales. C’est là, la dimension politique du développement et l’ambition que nous devons avoir pour la Tunisie.

Meddeb Radhi

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La directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, a adressé une lettre au chef du gouvernement, Hichem Mechichi,lui assurant que le FMI restera un partenaire fiable pour la Tunisie.

Voici le texte intégral de la lettre :

« Je vous remercie de votre lettre du 19 avril, dans laquelle vous sollicitez un nouveau programme du FMI à l’appui de votre programme de réforme. À cet égard, je me réjouis que les précédents programmes appuyés par le FMI et l’aide d’urgence récemment accordée ont aidé la
Tunisie à préserver sa stabilité macroéconomique et à faire face aux répercussions initiales de la pandémie.
Je salue les efforts de votre gouvernement pour affronter la crise de la COVID-19 en cherchant à protéger les vies et les moyens de subsistance de la population, ainsi qu’à soutenir le secteur de la santé, les ménages les plus vulnérables et les entreprises victimes de la crise. Je suis également encouragée par le début de la campagne de vaccination en mars et les autres mesures que le gouvernement prend pour maîtriser la nouvelle vague de la pandémie.
En outre, je note avec satisfaction que vous êtes déterminés à dialoguer avec les principaux partenaires sociaux ainsi qu’avec les partenaires internationaux de la Tunisie, s’agissant des réformes prioritaires à mener. Pour assurer une reprise vigoureuse, il est crucial de s’appuyer sur un programme de réforme qui serait le produit de ce dialogue et qui s’attaquerait aux principales vulnérabilités et difficultés du pays. Je note, avec plaisir, que les recommandations de la récente consultation au titre de l’article IV ont été utiles pour recenser les problèmes à surmonter. Les enseignements tirés de programmes antérieurs appuyés par le FMI pourraient aussi alimenter ce dialogue.
Je note avec intérêt que vous avez l’intention de présenter les détails de votre programme au FMI. Je conviens avec vous que le programme devra accomplir un double objectif : stabiliser l’économie dans l’immédiat et atteindre une croissance durable, respectueuse de l’environnement et riche en emplois à moyen terme. En ce qui concerne les réformes, je suis également d’accord avec vous qu’il est crucial de s’attaquer de manière décisive au problème de la soutenabilité des finances publiques et de la dette, d’opérer des réformes ambitieuses des entreprises publiques, de la masse salariale dans la fonction publique et des subventions énergétiques, ainsi que de continuer d’améliorer le climat des affaires, la stabilité du secteur financier et l’inclusion financière, la protection sociale et la gouvernance.

J’ai demandé à mon équipe d’entamer des entretiens techniques avec vos services, dès que nous aurons reçu votre programme de réforme. Nous serions aussi ravis de discuter avec la délégation tunisienne lors de leur venue à Washington. Nous sommes également disposés, comme toujours, à vous apporter notre soutien sous la forme d’assistance technique et de formations.
Le FMI est, et restera, un partenaire fiable pour la Tunisie. Je vous présente tous mes vœux de succès, en cette période difficile, et je me réjouis de poursuivre notre étroite collaboration.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Chef du gouvernement, l’assurance de ma haute considération. »