Fuir , ignorer , esquiver , ressources du pouvoir

Je n’ai pas voulu poser la question: jusqu’à quand ? Elle nous a tous fatigués au point de ne plus rien exprimer de nos craintes qui coulent dans les flots du désespoir jusqu’aux abysses de l’abandon. Faute d’être entendus, nous assistons impuissants au sabordage systématique de notre pays autant par ceux qui font que par ceux qui laissent faire. En ces moments, aux pareils trop souvent vécus dans un proche passé, où se sont déjà renouvelées les mêmes scènes de branlebas tardifs, tenus les mêmes discours, exprimées les mêmes condoléances, l’émotion continue à tout niveler dans l’acceptation du fait que l’on souhaite dernier. J.P. Sartres ne s’y était pas trompé qui disait de l’évanouissement devant certaines choses qu’il est, physiologiquement parlant, une fuite, une lâcheté. Avec le temps qui passe en vulgaires palabres, en vaines gesticulations, la raison, elle, tarde de plus en plus dangereusement à trouver son chemin à travers un maquis juridique où se sont embourbées les institutions de la république. C’est un alibi au manque de confiance en soi que de croiser les bras devant le mal, par un respect de ces institutions qui n’est pourtant pas incompatible avec l’application de la loi à l’encontre des personnes qui en portent les insignes, soit, mais dont il y a tout lieu de croire qu’elles sont impliquées directement ou indirectement dans des crimes de sang. Qu’ont-elles à craindre des enquêtes réclamées par la société et des parties civiles, les avocats et la conscience universelle ainsi dûment représentée, sous les garanties du Code de procédure pénale ? En réponse à cette question, puisque aucun politique ne peut ignorer qu’elle lui est posée, on continue à se saluer, à demander des nouvelles de ses enfants, à déjeuner ensemble et, ma foi, à s’injurier à échanger des menaces, bref, la vie continue.

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Monsieur le président de la République 

A peine quelques heures après l’attentat terroriste de ce matin, vous avez repris, en vous adressant aux vaillants gardiens de l’ordre et de la sécurité publics, sur les lieux, les mêmes formules vengeresses que vous aviez ressassées, je ne sais plus combien de fois, promettant une pluie de balles à quiconque en tirerait une seule sur l’un d’eux et taxant de rêveuses des personnes mal intentionnées que vous êtes resté seul à connaître, mais là n’est pas ce qui m’afflige le plus. Alors que le sang de Sami Mrabet n’avait pas encore séché, vous avez cru rassurer ses collègues demandeurs de plus de moyens de protection en leur parlant d’indemnités post mortem, de continuation virtuelle de carrière et ce, en précisant bien « comme si le de cujus était resté en vie ». En vous exprimant, à tout propos et en toutes circonstances, dans une langue d’écriture, vous êtes supposé peser chaque mot, sinon à quoi cela aurait-il servi de vous donner tant de peine ? J’ai très mal ressenti le peu de cas que vous avez fait comparativement, en vous exprimant ainsi, du malheur qui s’est abattu sur une famille, de la douleur de ses enfants, de ses parents, de son épouse, de ses proches et de chacun d’entre nous pour qui il a perdu la vie.

Abdessalem Laarif