Usurpation de compétence pour…Déni de compétence

Ainsi parlait …

La Tunisie légale de 2019 vit une crise de nature spatiale et qui renvoie en filigrane, à une pétition de périmètre.

Les incursions conscientes et répétées de l’actuel président de l’ARP dans des domaines qui ne relèvent pas de son mandat contrastent visiblement avec l’incapacité observable chez le nouveau locataire de Carthage d’exercer les prérogatives que lui attribue la Constitution de 2014 dans ces mêmes domaines.

Nous assistons pour ainsi dire à une usurpation de pouvoirs d’un côté et à un déni de compétence, de l’autre. Une autre forme de crise institutionnelle qui succède à celle du premier cycle politique sous la nouvelle loi fondamentale, profondément marqué par les tentatives de feu BCE baptisées « Carthage I et Carthage II » et tendant à ressusciter le régime présidentiel (ou « présidentialiste ») à travers l’artifice du consensus, au risque de mettre à mal le pluralisme politique et son corollaire, l’opposition, ainsi que le modèle de bicéphalisme de l’Exécutif imaginé par la deuxième Constituante.

Dessiner les périmètres est pourtant un réflexe instinctif qu’on rencontre aussi chez l’animal. Indiquer et marquer sa présence répond à un besoin vital : montrer que la place est occupée et que toute pénétration du territoire est vouée à l’affrontement.

L’Homme moderne, animal politique, trace les périmètres par des règles écrites (Constitution, lois, traités, etc.) ou non écrites (Coutumes).

Les périmètres dans les sociétés modernes organisées s’appellent vis-à-vis de l’extérieur “ les frontières” et à l’intérieur, “les compétences”.

La « compétence » est l’aptitude reconnue par le Droit, au profit d’une personne juridique, pour accomplir des actes juridiques au nom d’une collectivité territoriale. La compétence est temporelle (rationae temporis), territoriale (rationae loci) et matérielle (rationae materiae). Elle est surtout d’ordre public et son titulaire au risque de commettre un « déni de compétence » juridiquement et politiquement condamnable, ne peut s’en dessaisir, sauf dans des cas limitativement énumérés par le texte qui la crée (délégation, intérim, suppléance, etc.), ni en abuser, au risque de commettre un excès de pouvoir.

La dénonciation des conquêtes territoriales reprochées au président de l’ARP par certains partis politiques, notamment le PDL de madame Abir Moussi et la programmation d’une plénière où il sera entendu sur ces « écarts » par ses pairs, est bonne à prendre et permettra à mon avis de recadrer un tant soit peu le comportement de l’intéressé. Mais le mieux aurait été plutôt que le président de la République tente de reconquérir lui-même son territoire, se réconcilier ainsi avec son statut de garant du respect de la Constitution et mériter les voix de ses électeurs et le quinquennat de sa magistrature. L’initiative parlementaire traduit en substance l’échec du chef de l’Etat à assumer ses fonctions et à défendre lui-même son périmètre. Sur beaucoup de chapitres concernant la sécurité du pays et nos relations diplomatiques avec le reste du monde, le président s’est montré en effet, plutôt terne, continuant à se plaire, lors d’apparitions sporadiques, dans des discours populistes et utopiques « le peuple sait ce qu’il veut », « la révocabilité ad nutum du mandat électoral », etc.

Mais, aux dernières nouvelles, il semble fort heureusement que le chef de l’Etat, toujours à l’écoute des prières de son peuple, (les miennes en tout cas) commence à reprendre du poil de la bête. Il y a peine, quelques jours, il est sorti pour promettre au Qatar, pays en détresse, toutes les providences de la terre d’Alyssa. D’ailleurs, l’ambiance est parait-il, festive à Doha ! Et, pas plus qu’hier, prolongeant un vieux rituel, il a instruit d’observer la naissance d’un croissant que pourtant, tout le monde savait, y compris lui-même, que c’est un jour plus tard, qu’il pointera à l’horizon !!

Samir Brahimi