Alger au secours de Tunis: un accord militaire convenu en urgence

A l’évidence, les drones israéliens se promènent librement en Tunisie, et la preuve a été démontrée par les attaques de drones sur la flottille Sumud, à Sidi Bousaied, soit à 3 mn de vol d’oiseau du Palais de Carthage. La Tunisie doit se protéger et pouvoir se défendre, le cas échéant. Solution urgente…

Après une première tentative sans lendemain au mois de juin dernier, l’Algérie a finalement obtenu de Tunis la signature d’un accord de coopération militaire. Les récentes attaques de drones israéliens sur la flottille humanitaire pour Gaza à l’ancre à Sidi Bou Saïd semblent avoir contribué à accélérer les choses.

Mardi 7 octobre, le général d’armée Saïd Chengriha , ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’Armée nationale populaire algérienne, a supervisé la signature à Alger d’un accord de coopération entre la Tunisie et l’Algérie, en présence du ministre de la Défense tunisien, Khaled Shili, accompagné de hauts gradés de la marine et des forces terrestres tunisiennes.

La nouvelle est parvenue en Tunisie par le biais des médias algériens, mais n’a été confirmée par aucune communication officielle émanant des autorités. « Dans les faits, on savait que quelque chose se préparait », indique un membre de l’ambassade tunisienne à Alger, mais tous ont préféré jouer l’effet de surprise.

Les entretiens préparatoires à cette signature ont porté, selon le ministère algérien de la Défense, sur un renforcement de la coopération militaire et sécuritaire, ainsi que sur l’élargissement du contrôle transfrontalier.

Cette annonce intervient dans un contexte international particulier. Début septembre, deux attaques de drones ont visé des bateaux de la flottille pour Gaza ancrés en rade du port tunisien de Sidi Bou Saïd.

Toutes les versions données de ce début d’incendie – depuis celle d’un mégot de cigarette mal éteint après une soirée barbecue bien arrosée à celle de tirs de drones depuis les environs de Tunis – ont été démenties depuis, notamment par l’enquête de la chaîne américaine CBS News qui affirme que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou , aurait approuvé en personne ces opérations militaires contre les navires d’Al Soumoud qui entendaient rompre l’embargo sur Gaza.

Des frappes sous les fenêtres de l’ambassadeur des États-Unis

Ces frappes sur le petit port ont montré toute la précarité de la sécurité tunisienne, d’autant que tout s’est déroulé à quelques centaines de mètres du palais de Carthage et sous les fenêtres de la résidence de l’ambassadeur des États-Unis, qui surplombe le rivage.

Une situation qui met en mauvaise posture le président tunisien, Kaïs Saïed , qui persiste à suivre une ligne diplomatique singulière. Durant ces derniers mois, malgré toutes les tensions entourant l’Iran, il a multiplié les contacts avec Téhéran, allant jusqu’à lever le visa nécessaire aux voyageurs des deux pays pendant quinze jours, en septembre 2025.

Une décision qui a aussi coïncidé avec la rumeur qui voulait que les dirigeants du Hamas, après la frappe qui a ciblé cinq d’entre eux dans les locaux de l’organisation à Doha au Qatar, aillent se réfugier à Tunis.

Mais aucune arrivée massive n’a été rapportée et « si certains sont là avec leurs familles, ils sont peu nombreux et se sont engagés à la plus extrême discrétion. Rien à voir avec l’arrivée de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en 1982 », confie un diplomate.

Retour aux alliances traditionnelles

L’heure est aussi à l’inquiétude en Algérie. Le 5 octobre, où le président Abdelmadjid Tebboune a affirmé, devant des chefs d’entreprise et en présence des membres du gouvernement : « L’Algérie est visée militairement. Ils craignent son armée alors que notre armée est défensive. Elle défend la nation et les frontières. Nous n’agressons personne, mais gare à celui qui nous agresse ».

Cette position a probablement accéléré la concrétisation de l’accord avec son voisin que l’Algérie considère souvent comme un poste avancé de son propre territoire. Quant à la Tunisie, elle semble ainsi revenir à ses alliances traditionnelles. En juillet 2021, Kaïs Saïed s’était appuyé sur les services égyptiens lors de son offensive sur les institutions, mais l’idylle n’a pas duré.

Sitôt assuré que les islamistes d’Ennahdha avaient été mis à l’écart, le président Abdel Fattah Al-Sissi avait repris ses distances avec un pays considéré, au Caire, comme le trublion du Maghreb. Quant à l’aide militaire américaine réduite de moitié par l’ex-président Joe Biden en 2023, elle n’est pas revenu à son niveau intérieur avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Déjà en froid avec son voisin libyen, la Tunisie s’est retrouvée isolée d’autant qu’elle a, au printemps dernier, refusé une première proposition de coopération avec la sécurité et la défense algériennes , qui souhaitaient avoir des entrées via le port de Zarzis (dans le Sud) et s’assurer le contrôle d’une bande de 50 kilomètres autour des frontières tuniso-algériennes.

Cette fois-ci, la coopération semble convenir aux structures sécuritaires et militaires des deux pays. Même si, sitôt l’existence de l’accord connue à Tunis, certains ont dénoncé « une forme de protectorat déguisé » et assuré qu’ils ne laisseraient pas faire.

Source : Jeune Afrique