Si la mort n’a pu tuer Bourguiba, Bent sadrine et ses juges ne pourront le souiller

Après le 14 janvier tous les courants politiques ont mené campagne contre le leader Bourguiba et contre son héritage, au point d’avoir aboli la constitution de 1959 pour la remplacer en fin de compte par une constitution islamiste. Aux détracteurs de Bourguiba j’ai écrit en 2013, dans mon livre « 14 Janvier 2011, le putsch démocratique » : « Nos ‘révolutionnaires’ d’après le 14 janvier 2011, eux ou leurs pères nés entre 1950 et 1960 et qui sont actuellement ou au pouvoir ou dans l’opposition ou acteurs sur la scène politique, ont fait preuve de lâcheté et d’ingratitude en occultant la vérité au peuple et aux nouvelles générations.

Jeunes, et pour la grande majorité, ils avaient, les poux et la teigne aux cheveux, les morpions aux couilles et la gale au corps. Leurs taudis étaient infestés de puces. Ils étaient tout le temps à se gratter la peau pour cause de poux, de puces, de gale ou autre. Bourguiba les a soignés gratuitement, leur a appris l’hygiène et leur a construit des logements décents pour les préserver de ces tares. La cécité, la poliomyélite, la variole, la tuberculose et le choléra décimaient des pans entiers de la population. Autant d’épidémies éradiquées gratuitement par l’État de Bourguiba. Il fallait un peuple sain pour construire un pays. Il a été le patron de la Médecine préventive. Il a sauvé les notables et les acteurs politiques d’aujourd’hui de tant de calamité dans leur jeunesse pour qu’ils puissent vivre dignement et s’instruire. Cela vaut aussi bien pour les sbires de la Troïka que pour les opposants de gauche comme de droite qui ont renié ces vérités. Car même du temps de Bourguiba, le statut d’opposant avait bien servi pour l’ascension sociale et tartour Marzouki en est l’exemple.

Bourguiba a appris à beaucoup de dirigeants actuels ou à leurs parents, ainsi qu’à ces militants de cette gauche de toutes les catastrophes jusqu’à l’utilisation des toilettes, à l’école, au lycée ou à l’université. C’est au restaurant universitaire qu’ils ont appris qu’un repas est constitué d’une entrée, d’une suite et d’un dessert, ainsi que l’utilisation de la fourchette et du couteau. Donc, à chaque fois que vous vous trouvez dans un restaurant de luxe pour repas d’affaires ou dîner galant, dites vous bien, que c’est Bourguiba qui vous a évité, dans les restaurants huppés, d’être la risée de ceux qui vous entourent, puisqu’il vous a appris, même à distinguer le rince-doigts du verre à eau.

On veut occulter ces réalités car comme l’a dit Nietzsche : « avoir l’obligation à l’égard de quelqu’un ne crée pas le sentiment de reconnaissance, mais le désir de vengeance. »

Oui, les communistes d’extrême gauche veulent se venger, car Bourguiba les a empêchés de plonger le pays dans une guerre civile au nom de la lutte des classes et exercer le pouvoir dans le sang sous la couverture de la dictature du prolétariat.
Les yousfistes et les nationalistes veulent se venger parce que Bourguiba s’est opposé à leur projet d’entraîner la Tunisie dans une guerre civile au nom du califat fatimide d’Egypte ou le califat des Bénû Oumaiya de Syrie ou du califat Abbasside d’Irak ou du mandat libyen.
Les frères musulmans veulent se venger de Bourguiba qui s’est dressé contre leur projet d’instaurer un Etat salafiste rétrograde dans le sang fondé sur l’ignorance et dirigé par un clergé réactionnaire de wahhabites et de kharijites.
Les pseudos démocrates et les zazous des droits de l’Homme, ces prostitués de certaines sphères occidentales noyautées par le sionisme n’ont pas pardonné à Bourguiba d’avoir résisté à leur velléité d’installer un printemps aux couleurs automnales comme celui que nous vivons actuellement.
Ceux qui, à l’indépendance, dont Ahmed Mestiri ont rêvé d’une monarchie républicaine n’ont pas pardonné à Bourguiba de les avoir privés de la cour beylicale.

En érigeant le mur des lamentations de Bent Sadrine, qui a abouti au procès ouvert actuellement devant les tribunaux pour statuer sur la mort de Ben Yousef, on a voulu ensevelir notre histoire et nos années glorieuses du temps de Bourguiba et ne retenir que les épisodes ponctués de répression contre ceux qui ont voulu nuire au pays et particulièrement la répression des islamistes. Or la Tunisie de l’indépendance, la Tunisie de Bourguiba, était la Tunisie souveraine, la Tunisie de l’instruction, de la construction, du travail, du développement, du progrès, de la libération de la femme et des esprits, du savoir, et même de la justice sociale… La Tunisie c’est ce modèle ouvert sur la modernité. C’est ce modèle qui dérange les wahhabites et les kharijites. Les islamistes  veulent à tout prix enterrer ce modèle avec la complicité des prétendus démocrates et des prétendus progressistes restés foncièrement bédouins.

Et voilà Yousef Chahed qui bombe sa poitrine pour déclarer son appartenance à Bourguiba et qui cautionne ce procès de la honte, engagé par Rached Ghannouchi par l’intermédiaire de Bent Sadrine. Il n’hésiterait pas si l’ordre lui était donné par son suzerain Ghannouchi d’ouvrir la tombe de Bourguiba, d’en retirer les restes et de les brûler, comme le fit Daoud le neveu du premier Calife abbasside Aboul Abbas qui « l’adjura de faire mourir … tous les descendants d’Omayya … et d’ouvrir les tombeaux des Califes omayyades, enlever leurs os et les brûler.* »

Bourguiba à laissé une histoire, une pensée, un Etat bâti du néant, un rayonnement digne de celui de Carthage, une œuvre qui survivra l’éternité entière. Ses détracteurs en ces temps maudits, ne seront retenus par l’histoire qu’en tant que descendants des Banû Hilal qui ont tout détruit pour ne rien construire.

« Sihem, l’histoire que tu as voulu déformer ne retiendra de toi que l’image de la sorcière enfourchant une manche à balais. Bourguiba que tu as voulu enterrer sous ton mur des lamentations, demeurera vivant. Malgré ses écarts, il restera toujours présent dans ta chambre à coucher, par le livre qu’il a posé sur ta table de nuit. Il est toujours présent en toi par la liberté qu’il t’a octroyée. Ta haine envers Bourguiba vient du fait que tu te sens envoutée par son âme et que tu n’as pu t’en libérer. Dans une vaine tentative de l’effacer de ta mémoire tu as cherché à détruire ce qu’il a construit. Malgré ta haine et celle des pleurnicheuses de ton mur des lamentations, le mouvement destourien en général et l’œuvre de Bourguiba en particulier sont, aujourd’hui, les seuls projets valables pour une Tunisie meilleure, une Tunisie ouverte à la modernité, et au progrès. **»

En Tunisie, il y eut les années du riz pour désigner les années de famine, l’année des vents de sables, l’année des sauterelles, pour arriver aujourd’hui, aux années de l’apocalypse, les années du duo Ghannochi-Chahed.

Mounir Chebil 

*Tabari, Histoire des prophètes et des Rois, volume II, traduit du persan par Hermann Zottenberg, Actes Sud, Sindmad, pages, chapitre les Abbassides, pages 27, 28.et 30; V. aussi Ibn Al Athir, El Kamel Fi Attarikh, édition Société Les fils Chérif El Ansari d’édition de publication et de distribution Beyrouth, Tome V, pages 14 à19.
**Mounir Chébil, MESKKINA BLEDI OU CHRONIQUES DES ANNÉES D’AMERTUME, septembre 2017, page 118.