Les déclarations tonitruantes ne règleront jamais le problème de la viabilité et de la durabilité de notre agriculture.

Les agriculteurs souffrent. La pandémie et la guerre en Ukraine ont fait exploser les prix des intrants agricoles: semences, engrais, machines…

Pour les produits administrés, les prix fixés par l’administration ne couvrent plus, depuis longtemps pour certaines spéculations, les coûts de production.

Pour les produits libres, les prix sont fortement tirés à la hausse. Ils traduisent l’inflation des intrants, la mauvaise organisation des circuits de distribution, la spéculation et la faiblesse de la production nationale.

Personne ne peut vendre durablement à perte. D’ailleurs, cela est interdit par la loi sur la concurrence. C’est pourtant la situation à laquelle sont contraints beaucoup de nos agriculteurs.

Les pouvoirs publics, pas uniquement en Tunisie, ont toujours eu tendance à peser sur les prix agricoles. Cela leur permet d’acheter, à peu de frais, la paix sociale auprès des populations urbaines, plus rebelles que celles rurales.

Ainsi, la campagne a toujours subventionné la ville.

La Tunisie a mis des décennies à construire des filières agricoles: avicole, laitière, de viande…

Quelques années de gestion erratique ont mis à mal cette construction. Cela risque de remettre le pays en situation de dépendance grave pour son approvisionnement extérieur.

La voie est claire. Elle passe par:

– la reconnaissance de la réalité des coûts et des prix,
– le paiement à temps des subventions dues aux industriels,
– la mise à disposition des agriculteurs, à temps et à un prix raisonnable, des ingrédients nécessaires : semences, engrais, machines et crédits…
– la revitalisation de plus de 400.000 hectares de nos meilleures terres, aujourd’hui, mal gérées par l’Office des Terres Domaniales,
– la reconnaissance du rôle régulateur des circuits de distribution et leur réorganisation pour plus d’efficacité et de transparence,
– la révision de notre modèle de production agricole avec la rationalisation de l’usage de l’eau, des sols…
– l’intégration du coût de l’eau dans les coûts de production et l’abandon des spéculations abusivement consommatrices d’eau…
– la lutte structurée contre la contrebande, la spéculation et les situations d’oligopoles…

Des déclarations tonitruantes ou des actions coups de poing ne règleront jamais le problème de la viabilité et de la durabilité de notre agriculture.

Il y va de notre sécurité alimentaire, composante essentielle de notre souveraineté nationale.

Meddeb Radhi