Le vrai duel , les vrais protagonistes

A juste raison, on reproche au chef de l’état son silence sur les graves dévoiements ayant atteint les institutions les plus essentielles de la république quand ils prennent pour cibles Maître Abir Moussi, ses camarades du PDL et les masses populaires toujours grandissantes qui la soutiennent dans son combat raisonné et pacifique contre l’organisation des frères musulmans et les formations complices attachées à un projet de démolition totale de la Tunisie, d’abord selon des méthodes qu’elle avait magistralement éventées et souvent rendues inopérantes, puis, en désespoir de cause, dans l’improvisation et la panique, mais toujours avec le même acharnement. La violence, tant redoutée, s’installe.

Disons le tout de suite, la lionne fait de l’ombre à Carthage. Elle n’ a même pas laissé à celui qu’elle ignore et qui, lui, feint de l’ignorer, le choix des armes pour contenir le raz-de-marée bourguibien qui se lève. En effet, sur la tête de qui d’autre les foudres présidentielles, seulement verbales en l’occurrence, pouvaient elles s’abattre, sinon sur celle du monstre venimeux tapi au Bardo et accessoirement celle du plus zélé de ses serviteurs, tous deux explicitement honnis par le peuple? De tous les griefs de droit égrenés par le président de la république dans la remontrance qu’il a infligée récemment au chef du gouvernement et dont il était manifestement attendu de faire trembler un tiers innommé, point n’a été question du mépris des lois avec lequel la maltraitance réservée à Abir Moussi avait pourtant révulsé jusqu’à l’opinion internationale.

Ici, les choses se compliquent d’une certaine façon car pour ceux parmi nous, et ils sont nombreux, qui souffrent de la pauvreté et se débattent dans des difficultés insurmontables de vie, l’espoir peut naître de quelques phrases voulues rassurantes sur le sort du pays, si vaillamment défendu en haut lieu et autres menaces visant les vampires du peuple, vocalisées cette fois une octave plus haut qu’à l’accoutumée. Frapper sur la table enflamme les esprits mais ne doit pas faire oublier du justicier illusionniste que les occasions ne lui avaient pourtant pas manqué de faire valoir a minima la qualité de gentleman attachée à sa fonction, s’il ne lui été arrivé de faire l’économie de deux mots signifiant ordre aux forces de sécurité civile de rétablir l’intégralité de la protection d’une dame menacée de mort, sans attendre qu’elle la lui demandât et, moins glorieusement encore, une fois qu’elle s’y résolut, de lui faire refuser par les services du Palais l’accusé de réception d’un appel écrit au secours. L’enseignement à tirer de cette circonstance est proprement effarant. Seules, hélas ! la misogynie ou la haine personnelle explique la légèreté avec laquelle, s’il arrivait malheur, le protecteur en titre des tunisiens a pris le risque d’avoir à en répondre devant Dieu et devant l’histoire qu’il prend à témoins dans tous ses discours. L’homme qui prétend partager avec Omar Ibn El Khattab le sens des responsabilités qui aurait fait s’inquiéter ce dernier du faux pas d’une mule en Irak, devrait plutôt s’inquiéter de l’impression que sa placide indifférence n’aura pas manqué de laisser auprès des chefs d’Etats étrangers comme J. Biden par exemple, un juriste comme lui, mais qui sait, lui, ce que veut dire « criminal negligence » et ce qu’il en coûte d’en porter la marque pour le respect de la Tunisie.

Ce qui est mal caché dans tout cela, notoirement par un conflit d’ambitions personnelles relevant d’une même vision de la société et d’une proche représentation de l’Etat islamique entre le président de la république et celui de l’a.r.p. c’est que le premier cherche la sympathie des masses populaires mécontentes, dont certaines franges, disputées en sourdine à la Présidente du PDL, sont encore sensibles aux diatribes vengeresses et, somme toute, analgésiques. Une bataille perdue d’avance car la campagne d’éclairement de l’opinion publique, entamée par Abir Moussi, ne lui laissera rien à se mettre sous la dent.

Abdessalem Larif