Kaïs Saïed « Al-Ikhchidi » prive une partie de tunisiens de leurs droits civiques élémentaires

Bonsoir les binationaux ! Vous avez cinq minutes pour vous revêtir de votre pyjama rayé ! N’oubliez pas de bien mettre en évidence votre belle étoile jaune ! Je vous emmène prendre une douche ! 🙂 VERSTANDEN ? Enfin… Compris ?

La nouvelle loi électorale vient d’être publiée dans le Journal Officiel. Elle déchoit les binationaux d’une partie de leurs droits civiques en leur interdisant de se présenter aux élections législatives. Le plus choquant, c’est que les défenseurs de cette loi discriminatoire trouvent toujours des ouailles attentives à leurs déblatérations et des imbéciles pour faire écho à leur rengaine raciste qui frappe d’anathème les Tunisiens détenteurs d’une double nationalité. L’animosité n’en devient que plus vive quand il s’agit de Tunisiens issus d’un mariage mixte, à fortiori franco-tunisien.

Tout ce beau monde ne cesse de prêcher que les hautes responsabilités de l’Etat et les fonctions dont la nature est sensible doivent être interdites aux binationaux. Autant dire qu’en tout binational sommeille un traître potentiel. Une épée de Damoclès pend au-dessus de la tête des binationaux, lesquels sont maintenus dans un éternel sursis parce qu’ils ont un parent étranger et une deuxième nationalité.

Sous nos cieux cléments, sur cette terre de tolérance, dans ce pays qui revendique une histoire trois fois millénaire, au lieu de valoriser cette richesse, on préfère la stigmatiser. Comme si être mono-national était la garantie d’un patriotisme pur et désintéressé. Les jihadistes, les barons de la contrebande et les revendeurs-gacharas qui affament le pays, les députés qui s’offraient au plus offrant à l’ARP, les politicards véreux, les partis financés par des pays étrangers aux noirs desseins, les syndicalistes irresponsables, les fonctionnaires incompétents et corrompus jusqu’à la molle, etc., prouvent jusqu’à quel point le patriotisme est ancré dans les âmes des Tunisiens qui n’ont qu’une seule et unique nationalité.

D’ailleurs, les Tunisiens privilégieront toujours l’islam et l’argent à la nation qui demeure pour eux une notion toute abstraite. En effet, il est difficile de parler de communauté nationale dans un pays où les notions de bien public et d’espace public n’éveillent aucun intérêt chez la majorité de ses habitants.

L’article 19 de la nouvelle loi électorale stipule que le candidat aux élections législatives doit jouir de la nationalité tunisienne et être tunisien de père et de mère :

وفق الفصل 19 (جديد) من هذا المرسوم: الترشح لعضوية مجلس نواب الشعب حق لكلّ

ـ ناخبة أو ناخب تونسي الجنسية مولود لأب تونسي أو لأم تونسية وغير حامل لجنسية أخرى بالنسبة إلى الدوائر الانتخابية بالتراب التونسي

Ainsi, si on est titulaire d’une autre nationalité ou fils d’un étranger ou d’une étrangère, on doit abandonner l’idée de se présenter aux élections législatives.

Ce choix a ainsi été établi sur la base de considérations ethniques et religieuses et relègue de facto une partie de la population tunisienne, en l’occurrence les binationaux, au rang de citoyens de seconde zone. En d’autres termes, les Tunisiens binationaux ou issus d’un mariage mixte, sans parler de ceux qui sont devenus tunisiens par naturalisation (la belle affaire !), seront condamnés à suivre les élections législatives en tant que spectateurs. Un type comme Saïd Aïdi y assistera comme spectateur ; nos futurs élus vaudraient mieux que lui. L’on ne peut se prévaloir d’être une démocratie quand on promulgue la discrimination juridique et la ségrégation politique comme lois électorales et constitutionnelles.

L’instrumentalisation du sentiment anti-occident, a fortiori anti-français, est récurrente dans la vie publique tunisienne, même si bon nombre de politiciens et de pseudo-intellectuels tunisiens ont tendance à ressortir le thème de « pions des chancelleries occidentales » et de « Hezb el França » (parti de la France) afin de stigmatiser leurs adversaires binationaux, lesquels sont d’ailleurs constamment accusés d’être la cinquième colonne au service de l’Occident, du sionisme et de l’ancienne puissance coloniale.

En réalité, ceux qui adhèrent à ce type de discours ne font que déverser leur fiel sur des gens qu’ils envient, ils se réfèrent à un nationalisme identitaire et étriqué qui n’a rien à envier au nazisme pour justifier leur haine de l’Occident, voire leur racisme.

En réalité, ce ne sont pas les prétendues velléités néocoloniales et impérialistes de l’Occident qui sont visées à travers ces lois et slogans hostiles aux binationaux, mais l’influence irrésistible du mode de vie occidental. La peur de voir les usages locaux et les traditions archaïques tombés en désuétude confèrent aux lois les plus rétrogrades et discriminatoires une certaine légitimité. Elles donnent une impression de sécurité. Que votre vénérable président 100% tunisien et ses futurs députés et compagnons tafsiriîn soient les hommes providentiels qui vous ouvriront les portes du paradis terrestre !

P.-S. : Dans un pays comme la France, dès que vous accédez à la nationalité française, vous jouissez de tous les droits garantis par la constitution. C’est également valable pour les Etats-Unis, un pays dont la population se caractérise pourtant par un nationalisme exacerbé. Si la France se mettait à refuser la candidature des citoyens franco-maghrébins aux élections présidentielles, des torrents de larmes couleraient de tous les yeux et les Français seraient maudits à jamais. Mais il faut comprendre que dans les sociétés dites arabo-musulmanes, la tolérance est une route à sens unique. Hlel aâliya, hram aâlik.

P.-S. 2 : L’auteur de ce texte, votre serviteur, n’a pas de deuxième nationalité. Ainsi, il ne défend pas ses propres intérêts en défendant les binationaux. C’est une question de justice.

Pierrot LeFou