Le décret-loi du 15 du mois courant relatif aux élections a suscité beaucoup de réactions de la part des initiés et des moins initiés aux questions relatives à l’exercice du pouvoir politique. La plupart des commentaires ont porté toutefois, sur la teneur du texte : découpage des circonscriptions, éligibilité, représentativité, interdictions, sanctions, etc. Regrettable et inquiétant, car la Tunisie civile montre ainsi une attitude plutôt accommodante et qui donne à penser qu’en reconnaissant même tacitement, la légalité du texte et la pertinence de la démarche empruntée pour le produire, elle fait peu de cas de l’idéal démocratique et de ses principaux corollaires : l’Etat de Droit et la séparation des pouvoirs.
Mon avis est que ce texte véhicule en filigrane, d’innombrables insalubrités. Les plus graves sont les suivantes :
1) Il est d’abord insalubre qu’un acteur politique en exercice, écrive seul, les règles organiques et fonctionnelles qui devraient régir le ou les autres pouvoir(s) constitué(s) ! La séparation des pouvoirs réclame dans sa foulée l’équilibre. « « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », écrivait le baron de la Brède et de Montesquieu. Le modèle politique qu’on propose à la Tunisie prend malheureusement, le contrepied de ces principes en opposant l’unité à la diversité, la concentration à la dispersion et la non-redevabilité ad vitam æternam à la responsabilité immédiate, le tout travers l’option pour le bicamérisme et à des modes de scrutin qui nourriraient les velléités régionales et tribales et réveilleraient du coup, de vieux démons que le pays semblait pourtant s’en être définitivement départi.
2) Il est ensuite insalubre que le même acteur politique occulte sciemment tout le bloc légal relatif aux élections présidentielles. Elu sur le fondement d’une Constitution qu’il a lui-même explicitement abrogée, « il » avait l’obligation juridique, politique mais également éthique, de mettre fin à son mandat et de se représenter pour un nouveau, d’autant que ses prérogatives somme toute résiduelles sous la Constitution de 2014 ont été substantiellement élargies sous « la nouvelle » !!
3) Il est enfin insalubre de limiter l’exercice référendaire au projet de Constitution à l’exclusion des règles qui devraient régir les animateurs de la scène (politique). Que vaut la consultation du public sur un théâtre lorsqu’ on ignore tout sur la pièce théâtrale et sur les comédiens, à moins que dans les intentions non avouées de « l’homme », il s’agissait tout simplement, d’un « one – man show !!!
Samir Brahimi