Divorce inéluctable

C’est si moche de se chamailler devant les gosses, de s’invectiver, de crier, de se manquer de respect !
Alors, à un moment donné, il faut franchir le pas et divorcer. Car, une cohabitation dans l’irrespect n’a plus aucun sens.
De l’idylle aux disputes…à l’enfer, il n’y a qu’un pas! Autant couper net, surtout si la médiation est un leurre…Histoire de vivre dans la paix et de préserver les gosses.
Les tribunaux regorgent de ces affaires où l’on entend certes les parties, mais où, finalement, l’on privilégie l’intérêt des enfants. Lesquels n’ont pas demandé à venir au monde…
Souvent, ces couples continuent à s’entre déchirer jusque dans les salles d’audience. Avec des noms d’oiseaux qui volent, par-ci, par-là et autres vomissures, griefs à l’infini, motivés, peu ou prou.
Souvent aussi, les Juges excédés, vont jusqu’à user du martinet, faisant les gros yeux aux belligérants, leur remontant sérieusement les bretelles pour leur comportement indigne.
Chut! Stop! Allez consulter ou allez en médiation mais taisez-vous un peu! Mûrissez et voyez d’abord et avant tout l’intérêt de votre progéniture voyons!
Vous l’aurez compris, le divorce dont je veux parler sort un peu de l’ordinaire…
L’enfant a 10 ans, il se prénomme « Tounes ». Et ils sont plusieurs à revendiquer à la fois la paternité et la maternité !
Dix ans, c’est si fragile ! L’éveil du corps, des sens, tant d’interrogations…
La Tunisie, cette vieille Millénaire, a 10 ans aujourd’hui. Quel paradoxe n’est-ce pas?
Quel dilemme! Quel destin singulier !
Il s’agit sans doute d’une renaissance. D’un rendez-vous majeur avec l’Histoire. Allez savoir…
Sorte de Big-Bang, factice, virtuel, qui accouche pourtant de quelque chose…
Est-ce un un fleuron? Une promesse? Une Prouesse? Unr éclaircie ? Ou un triste karma qui se dessine ?
L’enfant semble prodige. Parce qu’il est né d’une force inégalable. Dans la douleur.
Mais, se dit-il, dans un sursaut de lucidité:
Qui sont ces gens qui prétendent être mes géniteurs ?
Je ne les reconnais pas…Ils sont si bruyants, si chahuteurs, si mal polis…Ils bavent, ils crachent, ils se lancent des projectiles !
Qui sont-ils?! Pourquoi me retiennent-ils ainsi prisonnier…me donnant des restes, me laissant dans le noir, sans craie, sans cahier, sans chaussures, sans armure…
Ils crient si fort! C’est insupportable !
Ils disent qu’ils m’aiment, qu’ils veulent mon bien, que mon avenir leur importe…
Ils disent qu’ils vont recoudre mes boutons, rallonger l’ourlet de mon pantalon…
Ils disent même que j’aurai du beurre sur mon pain, peut-être même un soupçon de chocolat!
Ils disent aussi que j’aurai des bottes en caoutchouc pour les prochaines inondations…
Ils disent que je leur coûte tellement cher qu’ils ont dû emprunter chez des voisins…
Ils ne s’aiment pas entre eux! Et je l’entends…
Alors je me bouche les oreilles pour ne plus les entendre. Je me pince parfois pour savoir si je vis encore…Si j’ai des sens. Si je n’ai pas perdu mon essence, ma fougue, ma candeur, ma bonne humeur…
Il m’arrive de parler à la terre…à la douce rivière qui coule toujours dans le même sens.
Il m’arrive de parler aux oiseaux…mais pas aux perroquets ! Hehh…j’ai si peur qu’ils n’aillent rapporter mes dires et mes pensées secrètes.
Il m’arrive de rêver le bonheur simple d’une porte qui se referme sur un foyer chaud où il fait bon vivre…Avec des odeurs de pain frais, sans farine contaminée…
J’ai 3000 ans en réalité. Et puis voilà que je me réveille un beau matin de janvier et on me dit:
« Hé ho mioche! T’as 10 ans et c’est grâce à nous que t’es là…tu nous dois tout! »
Il est vrai que je porte des guenilles et que j’ai la peau sur les os…Est-ce normal ?
L’enfant-otage, martyrisé, entendit un jour la vaisselle voler et les portes claquer…Clac boum! La haine suintait des murs plus ou moins muets…Il comprit que la vie familiale touchait à sa fin.
Il s’en alla alors adopter un pigeon voyageur et se prit d’amitié, figurez-vous, avec… un perroquet ! Ce dernier ne cessait de répéter : Droits de l’Homme…Droits de l’Enfant… »
Il s’appliqua tellement dans son école sans fenêtres qu’il apprit vite à lire et à écrire…
Il ne s’arrêtera plus d’écrire, partout, pour faire entendre sa voix. Pour s’émanciper et exister.
Son copain, le pigeon voyageur faisait parvenir ses missives…comme une lettre à la poste !
Aux dernières nouvelles, les prétendus parents usurpateurs furent punis. Pour négligences graves, maltraitance abus d’autorité et violation de droits légitimes.
L’enfant, une fois libéré de ce joug, sillona le pays. Il opta pour la défense de la faune, de la flore, de l’environnement et de toutes les richesses du pays. Pour que tous les enfants mangent à leur faim, étudient, grandissent sainement et dignement. Sans violences.
Il renonça à son droit de visite. Les parents en question, ignobles jusqu’au bout des ongles, ont fait du grabuge devant le Juge, lors de leur dernière comparution…
Ils furent condamnés et incarcérés. Pour maltraitance d’enfant et..outrage à Magistrat…

Bruxelles, le 16.01.2021
Raja Snoussi