Ces peuples qui adorent leurs dictateurs

Dans nos sociétés contrôlées tout est structuré, bien ficelé : la culture, la religion et le peuple. Même l’horloge du rêve est programmée afin que personne n’ose rêver !
Il n’y a pas de dictateur sans une culture qui l’enfante, le façonne et le bouillonne sur un feu fort.

Il n’y a pas de dictateur sans un peuple soumis. La soumission est la matrice des dictateurs.

Pourquoi le peuple de soumission arabe ou nord-africain vénère-t-il son bourreau ? Pleure-t-il sa mort ?

Le dictateur cultive, avec persévérance, la psychologie du troupeau qui le représente comme une créature énigmatique ou magique se situant entre l’image du dieu et celle du père. Le dieu du peuple de soumission est capable d’effacer l’image du Dieu. Le père qui fait oublier à ses citoyens leurs pères biologiques ou sociaux. Ainsi, le dictateur est le dieu de tout un peuple et est son père, également. Une fois sur le trône, le dictateur commence, d’abord, par vider son entourage de toute personne qui risque de lui faire la moindre once d’ombre.

Il forge une image mystérieuse de sa présence dans l’imaginaire collectif. Il est l’éternel qui accompagne les mortels qui constituent le peuple de soumission.

Le dictateur arrive à convaincre le peuple d’obéissance qu’il est le seul apte à “penser”. Il réfléchit à la place de tout le peuple de la servitude. Par tous les moyens discursifs linguistiques ou par la répression physique, le dictateur envoie le peuple d’asservissement au sommeil. Au silence. À la prosternation. Le peuple de soumission n’est pas fait pour réfléchir mais pour se fléchir.

Le dictateur cherche à faire germer dans les têtes des troupeaux humains de la dépendance, l’idée qu’il est, et lui seul, l’incarnation de “l’intelligence” absolue. C’est lui “le ciel” et c’est lui, en même temps, qui déteint le ciel afin de ne pas tomber sur les têtes du peuple de soumission.

C’est lui “la mer”, et le sel de la mer, c’est lui. C’est lui le pain et l’eau. Le sucré et l’amertume. La plaine et la montagne. Le sourire et le pleur. Source du bonheur et du châtiment. C’est lui qui déteint la terre plate sur ses deux cornes ! Avant lui, il n’y avait pas de patrie, c’est lui le faiseur de la patrie et du peuple de servilité qui peuple en tout bonheur cette cité. Sans lui la patrie et le peuple de cette patrie ne sont que mirage ou mensonge. Afin de régner aveuglément, le dictateur arrive à convaincre le peuple de soumission que la liberté est une lourde responsabilité à porter et à vivre.

Le dictateur glisse dans les détails de la vie quotidienne de son peuple soumis. C’est lui qui choisit la lecture pour le peuple de la soumission. C’est lui qui ordonne l’heure des toilettes. L’heure de la prière. Le jour du jeûne. Le jour de l’aide. Il programme les naissances, les morts et les circoncisions pour les garçons et les excisions pour les filles.

Le dictateur adore son peuple de soumission qui, à son tour, adore le football et zlabia du mois de ramadan. Le dictateur n’aime pas le 8 Mars, mais aime les femmes poupées qui fêtent cette fête avec des youyous et du rouge à lèvres.

Le peuple de la soumission ne sait pas prononcer le “non”, ni même le sens de ce mot étrange ! À force d’avoir la tête dans la prosternation perpétuelle, le peuple de soumission finit par croire que la liberté est un égarement individuel et collectif. Un délire. Que le peuple de soumission est inapte à la liberté.

Aux yeux du dictateur, le salut du peuple de soumission est dans la soumission elle-même. Et sa satisfaction est dans la servitude.

Pour mieux régner, le dictateur profite de la culture populaire ancestrale de la soumission qui répartit le monde entre esclave et maître. Que la soumission est un destin divin et qu’on ne peut échapper à ses foudres. Que l’esclavage est une destinée fatale pour le citoyen du peuple de soumission, depuis la naissance. Que Dieu, avant sa récréation au septième jour, a partagé le pouvoir entre les gens de la terre, et chacun a eu sa part. Il y a celui qui détient le fouet et celui qui a le dos pour recevoir les coups du fouet. Ainsi, on ne peut contester la volonté du Dieu ! Aux yeux du dictateur, la religion n’est qu’un arsenal de textes qui renforcent sa puissance et justifient sa mainmise sur le peuple de soumission. Ainsi, le peuple de la soumission pleure son bourreau. Déguste avec plaisir le sang de ses blessures ! Il n’y a pas de dictateur sans une culture qui l’irrigue, qui érige son statut dans la peau de l’âme du peuple de soumission.

Amin Zaoui