Youssef Chahed ( YC ) a choisi de faire le bilan semestriel à l’heure de grande écoute en lieu et place de l’émission-inélégante de Samir el wafi, au lieu de l’hémicycle très peu regardé, inconfortable et imprévisible. Les invectives y sont devenues monnaie courante.
Toutefois, l’écoute n’a pas atteint le niveau d’audience habituel de ce programme du reste de niveau intellectuel modeste. Certains auditeurs ont migré vers la série kitsch turque sous titrée sur Nessma .
Le choix de Chahed d’une chaîne privée, que l’ancien ministre Bhiri avait tout fait pour ramener dans le giron islamiste sans succès y compris l’emprisonnement abusif de son propriétaire, n’a rien de politique. Al-Watania est moins regardée.
Un coup de com parfaitement légitime.
YC, flanqué de son équipe rénovée et impressionnante, part en terrain conquis. L’homme, on le sait , est à la fois pédagogue et mécanique jusque dans sa préparation. Ce n’est pas pour déplaire à son seul contradicteur-journaliste. Le conducteur est respecté à la seconde et les questions qui fâchent sont conjointement noyées.
Si le moment, le lieu et la formule sont préparés de longue date, si le lifting de son équipe était prévu depuis la vacance de l’un de ses ministères ; il n’en reste pas moins que le limogeage de Abid Briki pour insubordination tombe à point nommé dans la foulée du changement de cap. C’est du cousu BCE. Le président, aristocrate jusque dans ses gestes, n’a jamais été adepte du Kommintern sans frontière ni des méthodes musclées.
Briki , un pied dans le syndicat un pied dans la droite de la gauche a joué ce qu’il sait faire : manœuvrer de l’intérieur . Son coup de bluff a tourné court. Croyant le gouvernement atterré, l’annonce de sa fausse démission s’est transformée en limogeage. La suite est logique. Il faut changer le fusil d’épaule. Il faut prendre de vitesse tout le monde et là c’est la spécialité de YC qui ne sait pas dessiner les arrondis.
Cela tombe bien, la pomme de discorde étant le FMI, désormais YC a les coudées franches pour espérer débloquer la deuxième et la troisième tranche du prêt FMI .
La pilule passe, les deux partis surpris acquiescent. L’UGGT déjà en rang pour la bataille perd l’effet de la menace. L’UGTT se ramasse.
Seul bémol, YC change un Briki malléable par un Doghri cassant.
A la question posée pour la forme, la réponse sera courte et sommaire : « j’ai toujours de bonnes relations avec la centrale..D’ailleurs je les reçois demain matin. » Que nenni ! le lendemain, Tabboubi le nouveau patron arrivé par élimination à la tête du syndicat fait le triste constat que la terre va tourner sans lui demander la permission. lui même n’est pas issu de la classe laborieuse…
Il reste la question qui a mis le feu aux poudres : Neji jalloul . Partira, partir pas ? Partira pas.
A la question subtile du journaliste rodé : « avez-vous dans votre agenda un autre remaniement prochain ? » la réponse de YC est simple et courte : « non. »
YC barricadé, se positionne en posture de défense. Il attend venir.
Le nom de Yaacoubi n’est même pas évoqué …il y a plus sérieux désormais.
Et YC de poursuivre dans la pure tradition des régimes parlementaires :
Voici mon gouvernement, voici mon bilan, voici mes prérogatives, je limoge qui je veux quand je veux, je nomme qui je veux quand je veux.. et si messieurs les députés sont froissés qu’ils commencent par me faire gagner une année de réalisations en ne laissant pas mon projet de loi des urgences économiques en souffrance..
Et YC d’énumérer les projets bloqués à cause de la cagnardise des députés.
Et l’interview est rondement menée. Si bien qu’en sautant de la santé à l’agriculture à la restructuration des banques à la restructuration de la Sécu, le chef du gouvernement donne l’impression nette de maîtriser ses dossiers. Mieux même. Il dégage une résilience face aux problèmes insolubles qu’on a l’impression qu’il possède la solution et les moyens de la solution … on est bluffé. l’examen théorique est dans la poche. Une bien bonne longueur d’avance sur ceux qui ont anticipé la chute du gouvernement voire les élections anticipées…. Pour l’instant. Pour l’instant seulement. Car YC peut très bien dessiner un plan …mais les jours à venir sont difficiles. Très difficiles. YC est sur le fil du rasoir
Zakaria Bouker