Soudan : cinq millions de personnes menacées de famine

Au Soudan, la situation s’empire et pourrait devenir désastreuse, alerte l’ONU. « Sans aide humanitaire urgente et un accès aux produits de base », près de 5 millions de personnes, déjà en situation d’urgence alimentaire, « pourraient glisser dans une insécurité alimentaire catastrophique », écrit l’ONU, ce vendredi 15 mars. Dans un document que l’AFP a pu consulter, Martin Griffiths, chef du Bureau des opérations humanitaires de l’organisation, tire la sonnette d’alarme.

Les femmes, les enfants et les déplacés sont « particulièrement menacés ». Selon un document de l’ONU réclamant un meilleur accès humanitaire et un cessez-le-feu au Soudan en guerre, près de 5 millions de Soudanais pourraient plonger dans les prochains mois dans une « insécurité alimentaire catastrophique ».

« Des populations classées en phase 4 dans le Darfour Ouest et le Centre Darfour vont probablement passer en phase IPC 5 », estime le chef du Bureau des opérations humanitaires de l’ONU Martin Griffiths dans cette note envoyée au Conseil de sécurité, en référence à l’échelle de classification de l’insécurité alimentaire comptant 5 phases, sur laquelle se basent les agences de l’ONU.

4,7 millions d’enfants en grave malnutrition

À titre de repère, le dernier rapport IPC estimait à 4,9 millions le nombre de personnes en phase 4 (urgence) au Soudan, dont plus de 300.000 au Centre Darfour et plus de 400.000 au Darfour Ouest. Personne n’était alors classé en phase 5 de « famine ». Au total, près de 18 millions de Soudanais font face à une insécurité alimentaire grave (phase 3 et plus), un chiffre « record » en période de récoltes et 10 millions de plus qu’à la même période l’an dernier. Martin Griffiths, note que près de 730.000 enfants, dont 240.000 au Darfour, devraient souffrir de malnutrition aiguë.

« Une augmentation sans précédent de traitements de cas d’émaciations aiguës, forme la plus mortelle de malnutrition, est déjà observée dans des zones accessibles », indique le responsable humanitaire, s’inquiétant pour les zones difficiles d’accès où vivent « près de trois-quarts des 4,7 millions d’enfants sont en grave malnutrition et de femmes enceintes ou allaitantes ayant besoin d’aide urgente ».

« Mobilisation massive de ressources »

Il appelle à des « mesures urgentes » pour empêcher à cette catastrophe « de s’installer », en particulier un meilleur accès humanitaire, plus d’argent, et un cessez-le-feu. « Pour atteindre ceux qui en ont besoin, les organisations humanitaires ont besoin d’un accès sûr, rapide, continu et sans entrave, notamment à travers les lignes de front », a déclaré plus tôt vendredi Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU.

« Une mobilisation massive de ressources de la part de la communauté internationale est également essentielle », a-t-il insisté, alors que le plan humanitaire de l’ONU pour le Soudan en 2024, chiffré à 2,7 milliards de dollars, n’est financé qu’à moins de 5%.

Début mars, le Programme alimentaire mondial (PAM) a tiré déjà la sonnette d’alarme : la guerre « pourrait créer la plus grande crise de la faim au monde » dans un pays qui connaît déjà la plus importante crise de déplacement de population du globe. La directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Hanan Balkhy s’est, elle, alarmée vendredi dans un communiqué de la situation sanitaire, notamment au Darfour.

Les combats, qui font rage depuis le 15 avril 2023 entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) du général Mohammed Hamdane Daglo, ancien numéro deux du pouvoir, ont fait des milliers de morts et plus de huit millions de déplacés, selon l’ONU.