La politique migratoire de Bruxelles repose sur des accords avec des pays comme la Tunisie, où des migrants affirment être victimes de violences et d’abus.
Une fois de plus, l’accord migratoire passé entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie essuie des critiques.
Les conclusions d’une enquête menée depuis plusieurs mois par la médiatrice de l’Union européenne déplorent le manque de transparence concernant le respect des droits de l’Homme en Tunisie.
A travers cet accord, conclu en 2023, l’Europe finance en partie la gestion migratoire en Tunisie, dans le but de freiner les départs et de faire baisser le nombre de traversées clandestines en mer Méditerranée, essentiellement vers l’Italie.
Bruxelles a aussi débloqué des dizaines de millions d’euros à soutenir l’économie tunisienne, en grande difficulté.
Or, selon les conclusions de la médiatrice, la Commission européenne doit être plus claire : quels sont les critères qu’un pays doit respecter pour pouvoir signer un accord migratoire, et à partir de quand Bruxelles peut être amenée à suspendre un tel accord.
Des violations des droits de l’Homme récurrentes
Le mois dernier, le quotidien britannique The Guardian livrait une série de témoignages de migrants accusant les forces de sécurité de violences sexuelles, allant jusqu’au viol. En réponse, dans cet article, les autorités tunisiennes contestent des allégations « fausses et sans fondement ».
La Commission européenne a réagi et demandé aux autorités tunisiennes d’ouvrir une enquête.
Reste que ce genre d’informations circulent depuis longtemps, sans que l’accord entre Tunis et Bruxelles soit remis en cause.
En juillet, c’est une ONG tunisienne, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) qui estimait que plus de la moitié des migrants en Tunisie vivent dans des conditions « inadaptées », dans la rue ou dans des campements improvisés.
Plus récemment, la semaine dernière, des experts indépendants de l’Onu ont dénoncé des opérations de secours en mer musclées et qui mettent en danger la vie des migrants. Ils confirment également les transferts vers les zones frontalières et un usage excessif de la force lorsqu’une embarcation est interceptée et que les passagers clandestins sont ramenés sur la côte tunisienne.
Ils citent des cas de migrants, y compris des enfants et des femmes enceintes, chassés vers le désert à la frontière avec l’Algérie et la Libye.
Ce genre de témoignages d’expulsions ont également été recueillis ces derniers mois par le site InfoMigrants, un portail spécialisé dans la migration auquel participe la Deutsche Welle.
Le régime autoritaire de Kais Saied
Les experts indépendants de l’Onu constatent également la répression des organisations de la société civile et des défenseurs des droits humains, dans un pays où le président est accusé de dérive autoritaire.
Kais Saied avait provoqué une vague d’indignation internationale lors d’un discours xénophobe et raciste, c’était au début de l’année. Il y dénonçait l’arrivée de « hordes » de migrants d’Afrique subsaharienne, prônant la théorie du grand remplacement. Cette désignation de bouc émissaire d’une Tunisie dysfonctionnelle et au bord du gouffre avait poussé nombre d’immigrés à quitter la Tunisie, par peur d’être pris pour cible.
Les experts onusiens concluent ainsi leur rapport en se disant « préoccupés par le fait que, malgré ces graves allégations, la Tunisie continue d’être considérée comme un lieu sûr après les opérations de recherche et de sauvetage en mer, et que la coopération se poursuit (…) entre l’Union européenne et la Tunisie ».