Le nœud gordien de Tunisie

Tourner autour du pot, noyer le poisson, voila les méthodes de gouvernement ou aveux d’incapacité auxquels sont réduits, non point les dirigeants de notre pays car il n’y en a pas, mais les détenteurs du seul pouvoir qui reste à y exercer, celui de ne rien faire d’utile. Mettez-y qui vous voudrez, cela ne marchera pas. Pourquoi? La Tunisie n’a pas de problèmes, elle a un problème. Un problème dont découlent tous les autres si ardus et entremêlés qu’ils en sont devenus désespérants. Insolubles, ils le resteront tous tant que, par indifférence, couardise ou complicité, l’on continuera à feindre d’ignorer leur origine commune dans le crime, élément central du mal et du remède. La situation n’est pas sans rappeler le nœud de Gordion reliant, selon la mythologie grecque, le joug et le timon du char de Gordias, roi de Phrygie et enlacé de manière inextricable au point d’emporter pour celui qui arriverait à le défaire, l’oracle de devenir maître de l’Asie, ce que fit Alexandre le grand, en 333 avant J.C. sans se donner trop de mal, d’un coup, par le tranchant de son épée.
Justement, trancher dans le vif reste loisible, sans crainte de bousculer les institutions, rendues fétiches par un culte inapproprié, sans besoin de chercher indéfiniment la voie de je ne sais quel miracle dans un improbable catéchisme de droit constitutionnel. Pour peu qu’une volonté politique bien arrêtée se fasse jour au sommet de l’Etat, que les mains cessent de trembler, rien ne pourra empêcher la remise des choses dans l’ordre ni ne s’y opposera, même timidement. L’une de mes références dans ce que j’avance est l’initiative, totalement séparée des attributions propres aux institutions législatives et judiciaires fédérales, prise en 1975 par le chef de l’exécutif américain, le Président Gerald Ford de confier au Vice-président Nelson Rockefeller et aux membres choisis par lui de la commission du même nom la mission d’enquêter sur les écarts délictueux de la CIA révélés en décembre 1974 par le New York Times et de lui remettre sur ses travaux un rapport qui sera publié.
Tout bien considéré dans notre pays, les dossiers étant là, vous pourrez être sûrs, et moi avec vous, qu’à la seule annonce de la constitution d’une commission présidentielle comparable, nous verrons tous ces malfrats qui y ont pris leur aise, et vraisemblablement ceux qui nous sont encore inconnus, se disperser aux quatre vents comme le ferait une volée de corbeaux.

Abdessalem Larif