Olfa Youssef est encore loin du compte

Olfa Youssef est passée, hier soir, sur El Hiwar Ettounsi , dans l’émission de Hédi Zaïem. Je viens d’écouter l’interview, je l’ai trouvée courageuse comme à son habitude. En revanche, ce qui me dérange chez elle, et de façon générale chez nos intellectuels laïques qui rejettent certains tabous sociaux et interdits religieux inhérents à l’Islam et au conservatisme de la société tunisienne, c’est qu’ils défendent toujours leurs positions en recourant à des arguments de nature religieuse.

En effet, ils essayent de légitimer leurs points de vue en s’appuyant vainement sur une lecture coranique soi-disant progressiste et réformiste. Ainsi, ils se retrouvent paralysés par les toutes-puissantes contraintes religieuses auxquelles adhère la majorité de la société tunisienne et se fourvoient dans des débats théologiques où les musulmans conservateurs finissent toujours par avoir le dernier mot. La doxa, le « Livre Saint » et les traditions arabo-islamiques séculaires sont beaucoup plus en phase avec le discours des musulmans conservateurs qu’avec celui des intellectuels laïques nourris aux valeurs universelles.

Ces intellectuels progressistes opposent aux conservateurs une lecture du Coran débarrassée des grands paradigmes classiques et des a priori idéologiques et moraux, ils leur opposent une vision du monde moderniste et séculière, mais en partant de postulats religieux, le plus souvent pour ne pas heurter la susceptibilité du commun des Tunisiens. Résultat : ils se retrouvent rapidement mis face à leurs propres contradictions. Ils passent pour des faux-culs aux yeux des non-croyants et pour des ennemis de l’Islam aux yeux des tartempions qui possèdent la classique foi du charbonnier. Ces intellectuels se décrédibilisent autant auprès des croyants qu’auprès des athées et agnostiques et finissent KO à force de vouloir concilier l’inconciliable.

Les intellectuels non-croyants, ce qui n’est pas le cas d’Olfa Youssef soit dit en passant, ont le droit d’avoir peur pour leur intégrité physique. Néanmoins, je persiste à croire qu’ils gagneraient à y aller franco en défendant le fond de leurs pensées, sans subterfuges et sans faux-fuyants, sans s’embarrasser de circonlocutions et sans passer par la « case islam » et ce, quitte à violer les tabous, les interdits et à choquer les consciences. Les « oreilles chastes » habituées aux argumentations enracinées dans les croyances religieuses et les traditions séculaires finiront, tôt ou tard, par se familiariser avec le discours authentiquement laïque et libre.

On est loin du compte.

Pierrot LeFou