Afghanistan : les Taliban interdisent aux femmes de travailler pour les ONG

Les Taliban, au pouvoir en Afghanistan depuis août 2021, ont interdit samedi aux femmes afghanes de travailler pour les Organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales. Cette décision intervient quelques jours seulement après l’interdiction d’accès aux universités.

Nouvelle interdiction à l’encontre des femmes afghanes. Les autorités talibanes ont ordonné aux Organisations non gouvernementales nationales et internationales de ne plus travailler avec des femmes après des « plaintes sérieuses » selon lesquelles elles ne respectaient pas un code vestimentaire approprié, a indiqué à l’AFP le ministère de l’Économie.

« Il y a eu des plaintes sérieuses concernant le non-respect du hijab islamique et d’autres règles et règlements relatifs au travail des femmes dans les organisations nationales et internationales », a affirmé le ministère chargé d’approuver les licences des ONG opérant en Afghanistan dans une lettre obtenue par l’AFP. Un porte-parole du ministère a confirmé que le ministère de l’Économie avait envoyé cet ordre aux ONG.

« En cas de négligence de la directive (…) la licence de l’organisation qui a été délivrée par ce ministère sera annulée », précise le courrier, adressé aux ONG nationales et internationales.

Deux ONG internationales contactées par l’AFP ont confirmé avoir reçu ce courrier.

« Nous suspendons toutes nos activités à partir de dimanche », a déclaré à l’AFP, sous couvert d’anonymat, un haut responsable d’une organisation internationale impliquée dans l’action humanitaire dans plusieurs régions reculées du pays. « Nous aurons bientôt une réunion des hauts responsables de toutes les ONG pour décider de la manière de gérer cette question ».

Le coordonnateur humanitaire de l’ONU pour l’Afghanistan, Ramiz Alakbarov, a dénoncé dans un tweet une « violation manifeste des principes humanitaires ».

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L’accès aux universités interdit

Cette décision est « une nouvelle tentative déplorable d’effacer les femmes des espaces politiques, sociaux et économiques », a fustigé Amnesty international.

« Cette décision peut être dévastatrice pour le peuple afghan », a tweeté le secrétaire d’État américain Antony Blinken, se disant « très inquiet de l’interdit des talibans pour les femmes de distribuer de l’aide humanitaire vitale pour des millions de personnes en Afghanistan ».

« L’Union européenne condamne fermement la décision récente des Taliban d’interdire aux femmes de travailler dans les ONG nationales et internationales », a affirmé dans un communiqué cité par l’AFP une porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

Des dizaines d’ONG nationales et internationales travaillent dans les zones reculées de l’Afghanistan, et beaucoup de leurs employés sont des femmes.

Cette annonce intervient quatre jours seulement après la décision du gouvernement taliban d’interdire aux femmes afghanes de suivre des cours dans les universités publiques et privées du pays pour une durée indéterminée.

Le ministre de l’Enseignement supérieur, Neda Mohammad Nadeem, a expliqué dans un entretien télévisé avoir pris cette décision car les « étudiantes qui se rendaient à l’université (…) ne respectaient pas les instructions sur le hijab ».

« Le hijab est obligatoire dans l’islam », a-t-il insisté, faisant référence à l’obligation faite aux femmes en Afghanistan de se couvrir le visage et entièrement le corps.

Une employée d’une ONG afghane ne cachait pas sa détresse. « Comment vont faire les femmes qui n’ont pas d’homme pour soutenir leur famille et travaillent dans ces ONG? », a-t-elle demandé sous couvert d’anonymat. « C’est ce seul salaire qui nous empêchait de tomber dans la misère ».

Un dirigeant d’une ONG étrangère se demandait comment continuer à aider les femmes afghanes. « Nous avons du personnel féminin surtout pour s’occuper des problématiques d’aide humanitaire aux femmes afghanes », a-t-il expliqué. « Comment allons-nous nous occuper d’elles maintenant? »

Multiplication des mesures liberticides

Samedi, quelque 400 étudiants de Kandahar, berceau du mouvement taliban, ont boycotté leur examen en solidarité avec leurs homologues femmes et manifesté dans la rue. La manifestation a été dispersée par les forces talibanes qui ont tiré en l’air, a déclaré à l’AFP, sous couvert d’anonymat, un professeur de l’université Mirwais Neeka. Les manifestations d’hommes sont extrêmement rares en Afghanistan.

Cette nouvelle atteinte aux droits des femmes a été un choc pour de nombreuses jeunes Afghanes, déjà exclues des écoles secondaires, et a suscité des condamnations internationales.

En dépit de leurs promesses de se montrer plus souples, les Taliban, qui ont repris le pouvoir en août 2021 après 20 ans de guerre contre les États-Unis et les forces de l’Otan, sont revenus à l’interprétation ultra-rigoriste de l’islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir (1996-2001).

Depuis 16 mois, les mesures liberticides se sont multipliées, en particulier à l’encontre des femmes qui ont été progressivement écartées de la vie publique et exclues des écoles secondaires.

Divers membres du pouvoir avaient déclaré qu’il n’y avait pas assez d’enseignants ou d’argent, mais aussi que les écoles rouvriraient une fois qu’un programme d’enseignement islamique aurait été élaboré.

En plus d’être privées d’étudier, les femmes sont également bannies de la plupart des emplois publics ou payées une misère pour rester à la maison.

Elles n’ont pas le droit non plus de voyager sans être accompagnées d’un parent masculin et doivent se couvrir d’une burqa ou d’un hijab lorsqu’elles sortent de chez elles. Les talibans leur ont aussi interdit d’entrer dans les parcs, jardins, salles de sport et bains publics.