Le journaliste Jamal Khasshoggi a été battu, drogué, décapité puis démembré par des bourreaux

Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi aurait été découpé par un médecin légiste qui écoutait de la musique

Depuis mardi soir, des sources turques livrent davantage de détails sur l’assassinat présumé de Jamal Khasshoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul, le 2 octobre dernier.

Jamal Khasshoggi a été battu, drogué, décapité et démembré par des bourreaux qui ont poussé le cynisme jusqu’à le faire en musique, alors que le journaliste était encore en vie. La victime a été attaquée aussitôt après avoir passé les portes du consulat saoudien à Istanbul. C’est ce qu’ont affirmé mardi soir les autorités turques, comme l’a rapporté le Wall Street Journal, au sujet du sort réservé à ce journaliste critique de la dynastie régnant à Riyad disparu depuis le 2 octobre et son entrée dans cet édifice.

Les enquêteurs turcs ont rassemblé ces éléments en furetant neuf heures durant dans ces locaux de la diplomatie saoudienne en Turquie, les lundi et mardi 15/16 octobre . Abordant l’affaire, le président Recep Tayyip Erdogan a toutefois regretté que ces examens aient été rendus plus compliqués encore par le fait que certaines pièces du consulat avaient été récemment repeintes.

Sept minutes

Le récit des derniers moments de Jamal Khasshoggi, lui-même saoudien mais devenu résident américain et collaborateur du Washington Post, commence à se révéler dans son terrible détail. Ainsi, le site Middle East Eye, citant ce mercredi une source turque qui a écouté l’enregistrement audio capté entre les murs du consulat par les services de renseignement locaux, décrit avec davantage de précisions la séance de torture et l’assassinat de Jamal Khasshoggi.

Peu après son arrivée, le journaliste est traîné hors du bureau du consul général Mohammed al-Otaibi, présent lors des faits, puis transporté dans le cabinet de celui-ci, contigu à la première pièce, où on le place sur une table.

A partir de là, tout se passe en sept minutes, selon cette même source. Sur l’enregistrement, une voix invite le consul à quitter les lieux. Le journaliste, quant à lui, hurle à pleins poumons, avant de se taire après qu’on lui a administré une substance inconnue dans les veines. Alors, l’homme qui semble diriger les opérations et initie le démembrement de la victime, toujours vivante à ce moment-là, met des écouteurs dans ses oreilles et glisse à ses comparses: « Quand je fais ce travail, j’écoute de la musique. Vous devriez faire la même chose ».

Dès son entrée au consulat saoudien, Khashoggi aurait été torturé pendant un interrogatoire au cours duquel il a eu plusieurs doigts coupés. L’homme a ensuite été décapité et son corps démembré par des agents saoudiens à l’intérieur du consulat, indique le média turc dont les révélations ont été confirmées par un officiel turc des services de renseignement. Parmi la délégation venue spécialement de Ryad soupçonnée d’avoir fait disparaître le journaliste, onze hommes auraient des liens avec le prince héritier Mohamed Ben Salmane.

Sur un enregistrement, la voix du consul saoudien Mohammad Al-Otaibi, qui a été rappelé mardi en Arabie saoudite, serait audible. “Faites ça dehors, vous allez m’attirer des problèmes” aurait-il dit. Aussitôt, un individu non identifié lui aurait répondu: “Si tu veux vivre lorsque tu reviens en Arabie saoudite, tais-toi”.

Des liens avec le prince-héritier

Un nom a été posé par les enquêteurs sur cet individu responsable du démembrement de Jamal Khasshoggi: Salah Mohamed al-Tubaigy. Son CV montre qu’il est un ponte du royaume saoudien: responsable de la médecine légale au département de la sécurité générale d’Arabie saoudite, président de l’ordre saoudien des médecins légistes et membre de l’association saoudienne de médecine légale.

Mais c’est le commando tout entier, qui a fait l’aller-retour entre l’Arabie saoudite et la Turquie, qui apparaît désormais avec davantage de clarté, note le New York Times, qui affirme qu’une scie à os était du voyage. L’équipe était composée de quinze personnes. En plus du ponte de la médecine légale, figuraient quatre personnes attachées à la sécurité personnelle du prince-héritier du royaume, Mohammed ben Salmane. Le journal new-yorkais s’attarde particulièrement sur Maher Abdulaziz Mutreb, qu’il compte au nombre des membres du commando et a identifié sur de nombreuses photos en compagnie du prince.

Plus largement, sur ces quinze individus, neuf au moins travaillent pour les services de sécurité saoudiens, l’armée ou diverses institutions officielles. Le commando est relié à la famille royale par un fil supplémentaire: il a fait le trajet à bord d’un appareil de la compagnie Sky Prime Aviation Services Ltd. Or, le gouvernement saoudien a pris les commandes de la société l’an passé.

Une version déjà écornée

Riyad a toujours démenti ces soupçons d’assassinat jusqu’à ce jour, prétendant que Jamal Khasshoggi était sorti librement du consulat le 2 octobre après l’entrevue. Mais les médias américains, dont CNN, déclarent que les autorités saoudiennes ont hésité lundi soir à changer officiellement de version, et à mettre la mort du journaliste sur le compte d’un interrogatoire ayant mal tourné, opéré par des agents outrepassant leurs ordres. Donald Trump a quant à lui mis en garde son auditoire contre la précipitation à incriminer son principal allié contre l’Iran et a évoqué la possibilité d’un assassinat conduit par des « tueurs hors de contrôle ». Ce mercredi, en revanche, devant des journalistes à la Maison Blanche, il a assuré qu’il ne cherchait pas à couvrir l’Arabie saoudite: « Non pas du tout, je veux juste savoir ce qui se passe ». Il a ajouté que la vérité serait « probablement connue d’ici la fin de la semaine ».

C’est cette présentation des choses que le profil des membres du commando, et la présence d’un médecin légiste éminent dans ses rangs dès le départ, semblent définitivement écorner.

Fouille de la résidence du consul d’Arabie saoudite à Istanbul

Des policiers turcs ont commencé mercredi 17 octobre à fouiller la résidence du consul d’Arabie saoudite à Istanbul dans le cadre de l’enquête sur la disparition du journaliste Jamal Khashoggi, selon des médias turcs

Cette fouille, effectuée par une dizaine de policiers, survient deux jours après des recherches similaires menées lundi au consulat saoudien à Istanbul, où Ryad est soupçonné d’avoir fait assassiner Jamal Khashoggi le 2 octobre.

Fouille reportée
La fouille de la résidence du consul devait avoir lieu mardi mais avait été reportée, les autorités saoudiennes invoquant la présence de la famille du consul, selon le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu.

Le consul Mohammad Al-Otaibi, qui selon les médias turcs était présent au consulat quand l’assassinat supposé de Khashoggi a eu lieu, a quitté Istanbul mardi après-midi à destination de Ryad.