Amour (s)

Tahar Labbassi

Tahar Labbassi

1. Les universitaires qui résistent à la tentation de partir pour gagner dix fois leur salaire, qui travaille dans des conditions difficiles, qui ont leur mot à dire pour les réformes, les nominations etc… ceux qui prennent des responsabilités malgré »le contexte », qui se lèvent à cinq heures du matin pour regagner leur bureau à Jendouba ou Karwann, qui font tout pour sauver les lois qui protègent ce qui reste de « l’autonomie » des instances représentatives, qui organisent des colloques malgré la lourdeur administrative, qui invitent des sommités dans leurs domaines, malgré les obstacles, qui encadrent des thèses, qui évaluent des thèses et siègent dans les jurys. Je les aime.
2. Quelques grands noms de la médecine qui se font un peu d’argent dans le privé, et c’est légitime, mais qui ne lâchent pas le public, malgré les conditions, ils enseignent, encadrent, préparent et corrigent les concours, organisent des colloques. Ils dirigent des services et ont affaire tous les jours aux humeurs de leurs subalternes et à « l’aveuglement » des autorités. Ils leur arrivent de désespérer, de penser à quitter, à aller exercer en France ou au Canada, mais ils ne le font jamais. Je les aime.
3. Les étudiants qui ont résisté à la tentation de partir malgré la pression des parents qui veulent que leurs enfants fassent des études à l’étranger, qui ont de très bonnes moyennes au bac qui leur permettent de suivre des études dans les branches dites nobles (médecine, IPEST etc….Ils/elles choisissent les disciplines qui les passionnent : cinéma, design, anglais, philosophie. Je les aime.
4. Les expatriés qui ont la double nationalité et qui se sentent concernés par les élections dans les deux pays et qui votent « juste », qui ne nous donnent jamais des leçons de politique, qui ont construit de belles maisons qui respectent l’architecture de la région, qui ne profitent pas de nos malheurs, comme la chute de notre monnaie pour faire leur change au marché noir. Je les aime.
5. Le soldat, au frontières main sur la gâchette, à deux heures du matin, qui ne connait ni Safi Said, ni les Abbous. Je l’aime
6. Ma mère qui entend mon bruit dans la cuisine à cinq heure du matin, qui vient en titubant, des douleurs de dos et des pieds e qui insiste pour qu’elle me fasse mon café et que je prenne une cuillère du « mélange » qu’elle a amené du « bled ». Elle s’assoit et me dit « il va faire beau aujourd’hui ». je l’aime

Tahar Labbassi