Le cimentier Lafarge formellement inculpé pour avoir « financé une entreprise terroriste » en Syrie

La justice française a officiellement accusé jeudi 28 juin le cimentier franco-suisse Lafarge SA d’avoir financé des groupes terroristes en Syrie afin de pouvoir continuer d’exploiter une de ses cimenteries dans une zone sous contrôle du groupe armé extrémiste État islamique ( EI ou Daech ) .

Lafarge SA, qui est actionnaire majoritaire de la filiale syrienne Lafarge Cement Syria, a été formellement inculpé par trois juges français à titre de personne morale pour avoir notamment « financé une entreprise terroriste », avoir mis en danger la vie des salariés de l’usine de Jalabiya, en Syrie, avoir violé un embargo et s’être rendu « complice de crimes contre l’humanité ».

À titre de personne morale, Lafarge SA, qui est aujourd’hui fusionné au géant Holcim, a été immédiatement placé sous contrôle judiciaire et s’est vu imposer une caution de 30 millions d’euros (46 millions de dollars canadiens).

La société française est soupçonnée d’avoir pactisé avec des groupes djihadistes, dont l’organisation d’Abou Bakr Al-Baghdadi, qui est l’instigateur des attentats les plus meurtriers à avoir été perpétrés en France au cours des dernières années, afin d’assurer le fonctionnement de sa succursale de Jalabiya, dans le nord de la Syrie, en 2013 et en 2014.

La direction de LafargeHolcim a annoncé qu’elle fera appel des accusations qui, dit-elle, « ne reflètent pas équitablement les responsabilités de Lafarge » dans cette affaire.

« Nous regrettons profondément ce qui s’est passé dans notre filiale syrienne et, dès que nous en avons été informés, nous avons pris des mesures fermes. Aucune des personnes mises en examen n’est aujourd’hui dans l’entreprise », a déclaré jeudi Beat Hess, président du conseil d’administration de LafargeHolcim dans un communiqué.

En juin 2017, le parquet de Paris avait ouvert une enquête sur le financement d’entreprises terroristes et la mise en danger de la vie d’autrui dans cette affaire qui avait conduit à l’inculpation de huit cadres de la cimenterie, dont l’ex-PDG Bruno Lafont.

La justice belge s’était associée

La police belge a aussi perquisitionné le siège de Lafarge SA en octobre 2017 et interrogé quatre hauts dirigeants de l’entreprise, dont Gérald Frère, président du conseil d’administration du Groupe Bruxelles Lambert (GBL), Ian Gallienne, administrateur délégué, ainsi que Gérard Lamarche et Paul Desmarais fils, qui siégeaient tous au conseil d’administration de Lafarge.

La justice belge s’était associée aux autorités françaises pour s’intéresser de plus près au rôle de GBL, qui détenait 20 % des actions de Lafarge au moment des faits.

Paul Desmarais fils, président du conseil et cochef de la direction de Power Corporation du Canada, qui est l’un des administrateurs de LafargeHolcim, avait à ce sujet assuré, lors de l’assemblée des actionnaires de Power Corporation, en mai dernier à Montréal, que le conseil d’administration du cimentier n’a jamais été au courant des gestes qui auraient été commis par d’ex-employés en Syrie visant à financer indirectement Daech.

Avec agences