L’université d’Harvard, engagée dans un bras de fer avec Donald Trump depuis plusieurs semaines, ne pourra plus accueillir d’étudiants étrangers, selon une décision de l’administration Trump annoncée jeudi. La secrétaire américaine à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, accuse notamment cet établissement « d’alimenter un environnement dangereux sur le campus, hostile aux étudiants juifs ».
L’administration Trump a annoncé, jeudi 22 mai, qu’elle retirait le droit d’accueillir des étudiants étrangers à la prestigieuse université privée Harvard située près de Boston, privant d’un moyen de rayonnement important l’institution contre laquelle le gouvernement américain a lancé une vaste offensive.
D’après son site internet, l’université accueille cette année quelque 6 700 « étudiants internationaux », soit 27 % des élèves.
« La certification du programme SEVIS (Student and Exchange Visitor) de l’université Harvard est révoquée avec effet immédiat », a écrit la ministre de la Sécurité intérieure Kristi Noem dans une lettre adressée à l’établissement.
Ce programme est le principal système par lequel les étudiants étrangers sont autorisés à étudier aux États-Unis.
Selon la ministre, cette décision signifie qu’Harvard a l’interdiction de recevoir des étudiants titulaires de visas F ou J pour l’année scolaire 2025-2026, une perte potentielle immense pour le campus, à la fois sur le plan financier et du rayonnement international.
Les étudiants sommés d’aller dans une autre université
D’après Kristi Noem, les étudiants étrangers déjà inscrits doivent « se transférer » dans une autre université, sous peine de perdre leur visa.
La ministre a assorti sa décision choc d’un ultimatum : si Harvard veut retrouver ce « privilège », elle doit fournir dans les 72 heures toute une série d’informations dont elle disposerait sur d’hypothétiques activités « illégales » menées par ses étudiants étrangers ces cinq dernières années.
« Cette décision du gouvernement est illégale », a immédiatement répondu un porte-parole d’Harvard, contacté par l’AFP. « Nous nous engageons pleinement à maintenir la capacité d’Harvard à accueillir nos étudiants et universitaires internationaux, qui viennent de plus de 140 pays et enrichissent l’université – et cette nation – de manière incommensurable », a ajouté l’institution.
Celle-ci s’était distinguée il y a plusieurs semaines en attaquant en justice le gouvernement sur le dossier du retrait de ses aides fédérales.
« Un environnement dangereux sur le campus, hostile aux étudiants juifs »
L’administration Trump a lancé depuis plusieurs mois une vaste offensive contre l’enseignement supérieur aux États-Unis, accusant les universités privées les plus prestigieuses d’avoir laissé prospérer l’antisémitisme et de n’avoir pas protégé suffisamment les étudiants juifs pendant les manifestations contre la guerre d’Israël à Gaza.
Le camp républicain reproche plus généralement aux grandes universités américaines de promouvoir les idées de gauche jugées trop progressistes.
Les associations de défense des libertés individuelles y voient une offensive contre la liberté d’expression et une tentative de museler toute critique contre Israël.
Dans son courrier rendu public, la ministre reproche à Harvard son refus de transmettre des informations au gouvernement, « tout en perpétuant un environnement dangereux sur le campus, hostile aux étudiants juifs, encourageant les sympathies pro-Hamas et utilisant des politiques racistes de ‘diversité, d’équité et d’inclusion' ».
Ces politiques de diversité sont justifiées par leurs défenseurs au contraire comme un moyen de corriger les inégalités historiques au sein de la société américaine.
Dans son bras de fer avec Harvard, le gouvernement américain avait déjà supprimé plus de deux milliards de dollars de subventions à cette université qui se trouve dans le nord-est des États-Unis. Harvard a contre-attaqué en justice pour défendre sa liberté d’enseignement, une initiative saluée par de nombreux étudiants et professeurs.
« Nous travaillons pour fournir au plus vite des conseils et un soutien aux membres de notre communauté. Cette mesure de rétorsion menace de porter gravement atteinte à la communauté de Harvard et à notre pays, et compromet la mission universitaire et de recherche de Harvard », a ajouté de son côté le porte-parole de l’université.
Conséquences financières et juridiques
La révocation représente un coup financier sévère pour Harvard, car les étudiants internationaux—qui paient souvent les frais de scolarité complets—constituent une source de revenus cruciale pour l’université, particulièrement significative après l’annonce récente de Harvard supprimant les frais de scolarité et les frais pour les familles gagnant moins de 200 000 $. Cette mesure s’ajoute à d’autres sanctions financières imposées par l’administration Trump, notamment le gel de plus de 2,2 milliards de dollars en subventions et contrats fédéraux, ainsi que l’annulation de 2,7 millions de dollars de subventions du DHS spécifiquement.
Les experts juridiques prévoient une longue bataille judiciaire, car cette action sans précédent contre une grande université américaine signale un changement significatif dans la surveillance fédérale des établissements d’enseignement supérieur. L’administration Trump aurait également examiné le statut d’exonération fiscale de Harvard, ce qui accentue encore la pression financière sur l’institution. Les analystes des politiques éducatives notent que cette approche agressive pourrait fondamentalement modifier la relation entre le gouvernement fédéral et les universités, avec des implications potentielles pour la liberté académique et l’autonomie institutionnelle à travers le paysage de l’enseignement supérieur.
Avec agences