Les charognards du temps du coronavirus

Avec le covid-19 , la crise s’est installée avec son lot de chagrin, d’angoisse, d’incertitude et de misère. Une crise sanitaire qui évolue en crise économique et sociale.

Au moment où le corps social, meurtri par la tragédie épidémiologique se débat pour arrêter la propagation du virus et se prémunir contre ses dommages collatéraux, les charognards l’ont entouré de toutes parts.

Les spéculateurs de tous bords, ceux du secteur formel comme ceux agissant dans l’économie parallèle ont donné libre court à leurs appétits gargantuesques. Tout est devenu hors de portée pour les citoyens. Les prix flambent au rythme de la rigueur du confinement ainsi que de l’augmentation du nombre des contaminés et des morts, le tout avec la complicité de l’Etat. On nous berne avec quelques sacs de farine et de semoule saisis chez quelques apprentis spéculateur. Mais, les barons de la contrebande et les manœuvres spéculatives et usurières des circuits de production et de distribution de tous les autres produits bénéficient d’une impunité totale. Ces spéculateurs « respectables », les barons de la contrebande, financent les élections et engraissent la patte à bien de députés et de ministres…

Viennent ensuite les charognards en blouses blanches du secteur privé. Le parrain des « nobles » et « très humains » propriétaires des cliniques privées , Boubaker Zakhama ( photo ci haut ) , s’est lamenté qu’ils ne font plus de chiffres d’affaires . Il n’y a plus suffisamment de malades à sucer . Ils veulent du bétail à charcuter et à escroquer. Le coronavirus est une aubaine. Les cliniques privées sont disposées à contribuer avec l’Etat dans la lutte contre l’épidémie, mais la journée du patient est de 3000 dinars au moins et le malade doit payer une avance conséquente avant d’être pris en charge par le Sieurs . Tout le monde sait les combines des cliniques pour soutirer le maximum d’argent. Elles excellent dans l’art de la surfacturation, frisant l’escroquerie par les interventions inutiles (passages de services en services, multiplications des analyses et des radios, opérations chirurgicales non recommandées …). Le « bonjour ça va » par l’entrebâillement des portes, et même l’air respiré dans la clinique figureront sur l’ardoise salée avec laquelle elles vous assomment en fin de séjour. Pour les malades du covid 19, c’est l’Etat qui payerait. Les patrons des cliniques sont confiants. L’Etat est aveugle, et pour être indulgent, je dirais complaisant. L’Etat n’a pas les couilles pour les réquisitions si elles s’imposaient. Les lobbys sont plus forts.

Les laboratoires d’analyses crient famine. Ils veulent leur part du gâteau viral. Pourquoi n’ont-ils pas encore le droit de faire les tests de dépistage ?

Ha ! Et voila que le port des masques pourrait devenir obligatoire. Les pharmaciens voudraient certainement exiger le monopole. Le tiroir caisse ne doit pas s’enrouiller. Et que vive ce virus tant décrier mais surtout tant adulé.

A côté de ces charognards, les charognards de la politique n’ont pas démérité en cynisme. Chacun veut s’approprier du virus pour l’instrumentaliser à des fins électoralistes. Des chefs de partis se disputent les plateaux télévisés pour se donner en spectacle et courtiser un électorat désabusé. On avait un gourou, tonton Rchouda, et voilà que nous sommes submergés par des gourous qui ont poussé comme des champignons. Chacun d’eux est devenu spécialiste en épidémiologie et détenteur de la potion magique pour la sortie de la crise. Alors, que jusqu’au mois de mars, ils étaient occupés à bien visser leurs culs sur les fauteuils parlementaires ou gouvernementaux, tout en se préparant dans une course folle à d’éventuelles élections anticipées. Les boucboucs s’entre-déchiraient et suivaient les sondages pour voir sur quel cheval parier. Le virus, la mort, les douleurs, les tristesses, ainsi que la pauvreté et la faim qui guettent un pan de la population, ne sont que des paravents pour meubler les discours des charognards sur fond de démagogie et de populisme, débités à une plèbe qui refuse de revenir à la raison, après avoir été, à chaque fois bernés.

Le gouvernement Fakhfakh, en quête d’une légitimité qui lui fait défaut, s’est précipité dans des mesures sociales pour les démunis, louables certes. Mais, fautes de programmations et de logistiques, il a jeté ces démunis dans la gueule du coronavirus. Émeutes, attroupements, bousculades pour se disputer des aides alimentaires et des subventions, autant de conditions de contamination certaine. Il a vendu la mort pour un kilo de farine. Qu’importe il faut faire briller la vitrine de la boutique gouvernementale.

Le ministre de la santé, un tocard de la funeste Troïka, est plus occupé par les shows, les plateaux TV, les conférences de presses, les déplacements. Bref, il est à toutes sortes d’apparitions publiques, pour redorer le blason de sa secte intégriste, salie du sang des tunisiens, soigner son image, et se préparer aux nouvelles échéances électorales.

Dans les coulisses, le Président de la République et le Président de l’assemblée des représentants du peuple, sont en guerre de position. Chacun d’eux travaille pour son propre putsch.

Heureusement pour les Tunisiens, Bourguiba a laissé des hôpitaux et des soldats, braves et dévoués. Cette fois ci, ces soldats ne portent pas des armes mais, des blouses blanches.

Mounir Chebil