Tunisie : des législateurs proposent de dépouiller le tribunal de la surveillance électorale avant le vote

Trente-quatre législateurs tunisiens ont proposé vendredi un projet de loi urgent visant à dépouiller le tribunal administratif de son pouvoir de statuer sur les litiges électoraux, une démarche qui, selon l’opposition, discréditerait l’élection présidentielle du 6 octobre prochain .

Le tribunal administratif est largement considéré comme le dernier organe judiciaire indépendant, après que le président Kais Saied ait pris le contrôle de la magistrature depuis la dissolution du Conseil suprême de la magistrature et la limogation de dizaines de juges en 2022.

Les tensions politiques dans le pays d’Afrique du Nord se sont montées avant les élections depuis qu’une commission électorale nommée par Saied a disqualifié trois candidats éminents, Mondher Znaidi Abdellatif Mekki et Imed Daimi.

La commission a défié le tribunal administratif, le plus haut organe judiciaire dans les litiges liés aux élections, et n’a permis que deux candidats à se présenter contre Saied.

L’un d’entre eux, Ayachi Zammel, est en prison après avoir été condamné mercredi à 20 mois de prison pour avoir « falsifié » les signatures sur les papiers électoraux dans ce qu’il appelle une affaire à motivation politique.

Les professeurs de droit ont déclaré ce mois-ci dans un communiqué que le refus de la commission électorale de réintégrer les candidats menace de rendre les élections illégitimes, si un candidat fait appel des élections devant le tribunal administratif.

Saied a été élu en 2019 en Tunisie, le seul pays à avoir émergé pacifiquement avec un leadership démocratique lors des manifestations du « Printemps arabe » 2011 qui ont renversé les autocrates au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Mais depuis, il a resserré son emprise sur le pouvoir et a commencé à gouverner par décret en 2021 dans un geste que l’opposition a décrit comme un coup d’État.

Les critiques ont accusé Saied d’avoir utilisé la commission électorale et la justice pour obtenir la victoire en étouffant la concurrence et en intimidant d’autres candidats.

Saied a nié les accusations, disant qu’il combat les traîtres, les mercenaires et les corrompus, et qu’il ne sera pas un dictateur.

Le document de loi vu par l’agence Reuters conférerait aux tribunaux ordinaires plutôt qu’aux tribunaux administratifs une compétence exclusive sur les litiges électoraux. Les groupes de l’opposition et de la société civile disent que le pouvoir judiciaire n’est pas indépendant et Saied l’utilise contre ses adversaires.

Source : Reuters