C’est ce qu’a recommandé Bjorn Rother, le chef de mission du FMI en Tunisie, précisant, toutefois, qu’il n’est pas besoin d’« un ajustement abrupt ».
« Le dinar tunisien doit encore être déprécié cette année afin de booster les exportations et réanimer une économie qui a subi les coups des bouleversements politiques depuis la révolte de 2011 ». C’est ce qu’estime Bjorn Rother, le chef de mission du FMI en Tunisie, dans une interview publiée mercredi 4 avril par le journal économique en ligne Bloomberg. Cette recommandation ne signifie, toutefois, pas, qu’il est nécessaire d’opérer un ajustement brutal, a-t-il précisé.
Pour rappel, actuellement le dinar tunisien vaut 0,34 euro. Sa valeur a nettement baissé depuis la chute du régime Ben Ali un certain 14 janvier 2011 et l’arrivée au pouvoir des islamistes .
La déclaration de Bjorn Rother « nous laisse perplexes sur la manière dont l’institution de Bretton Woods raisonne », a réagi l’économiste tunisien Aram Belhadj dans une déclaration rapportée par l’agence Tunis Afrique Presse (TAP). Et d’ajouter : « Les solutions proposées à notre pays [par le FMI, NDLR] ne sont pas convenables pour l’économie et la paix sociale. […] Le FMI souhaite une dépréciation supplémentaire de notre monnaie pour arriver à un taux de change réel d’équilibre. Cette recommandation n’aura certainement pas l’impact attendu. Au contraire, elle alimentera l’inflation, alourdira la charge de la dette et plombera davantage l’économie. »
Réticences devant l’idée d’une forte dépréciation.
Les autorités monétaire tunisiennes, tout en étant convaincues de la nécessité de réviser à la baisse la valeur du dinar, se montrent elles aussi réticentes devant l’idée d’une forte dépréciation. En mars dernier, rappelle Bloomberg, le gouverneur de la Banque centrale avait déclaré qu’il ne pouvait pas défendre le dinar « quand bien même il le voudrait » mais qu’une « dépréciation abrupte » pouvait alimenter l’inflation et l’insatisfaction populaire.
Dans un entretien publié il y a un an dans le magazine économique électronique African Manager, Taoufik Rajhi, ministre conseiller du Chef du gouvernement Youssef Chahed, avait rappelé que l’engagement de la Tunisie envers le FMI ne portait pas sur la dévaluation de sa monnaie mais sur « la limitation des ventes nettes de devises sur les marchés de change au financement des importations indispensables pour l’économie afin de lisser les fluctuations excessives du taux de change ». Il avait ajouté: « Ce qui est le cas, puisque les ventes nettes ont atteint en moyenne 22 % des transactions totales sur le marché depuis 2016, alors qu’elles étaient en moyenne de 30 % durant le programme Stand-By Arrangements. »
Cycle infernal
La dépréciation du dinar tunisien a eu une incidence négative sur les échanges commerciaux de la Tunisie dont le déficit s’est aggravé d’un milliard de dinar au premier semestre 2017, indique l’Observatoire tunisien de l’économie.
Le déficit commercial de la Tunisie s’est aggravé au cours des six premiers mois de l’année 2017 de 1 milliard de dinar tunisien. Selon l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE), ceci s’explique par la dépréciation du dinar qui a eu un impact négatif sur l’évolution des échanges commerciaux du pays.
L’institution estime que la Tunisie est entrée dans un « cycle infernal » où à chaque fois qu’elle dévalue sa monnaie pour satisfaire les demandes du Fonds monétaire international (FMI), ceci entraîne une augmentation du déficit commercial qui suscite à son tour une autre dévaluation plus importante encore.
Dans ses explications, l’OTE a laissé entendre que « le FMI exerce une pression sur la Banque centrale Tunisienne (BCT), afin de faire baisser la valeur du dinar, dans la finalité d’améliorer la compétitivité des exportateurs, ce qui est en mesure de booster les exportations et par conséquence de réduire le déficit commercial à moyen terme ». Ce faisant, le FMI espère réduire le déficit commercial à moyen terme. Mais de son côté, confie l’OTE, la BCT décompose l’évolution des échanges commerciaux selon trois effets, à savoir l’effet de la variation du taux de change, l’effet de la variation des prix et l’effet de la variation des volumes d’échanges. En prenant en considération ces paramètres, il apparaît clair que la dévaluation du dinar a eu une conséquence négative sur les échanges commerciaux de la Tunisie, au premier semestre 2017.
En effet, à en croire l’OTE, la réalité après la dépréciation du dinar est que « l’effet négatif de l’augmentation de la valeur des importations due à la baisse du dinar surpasse l’effet positif de l’augmentation de la valeur des exportations due à cette baisse ». Autrement dit, au lieu de réduire le déficit commercial comme on s’y attend au FMI, la baisse de la valeur du dinar a plutôt pour conséquence de l’augmenter. Et cette aggravation du déficit commercial à son tour, pèse sur le déficit de la balance des paiements courants.
4,9 milliards de dinars de déficit de la balance des paiements courants
Un rapport d’étude publié en juin dernier par la BCT a souligné que l’aggravation du déficit commercial pèse sur le déficit de la balance des paiements courants.
En effet, la balance des paiements courants a connu, au cours des cinq premiers mois de l’année en cours, un déficit de 4,9 milliards de dinars soit 5,1% du PIB contre 3,78 milliards de dinars et 4,2% au cours de la même période de l’année 2016. Selon la BCT, ce déficit de la balance courante s’explique par l’aggravation du déficit commercial au cours de la même période, de 1,35 milliards de dinars pour se situer à 6,49 milliards de dinars.