Tunisie : Des figures politiques à nouveau devant les juges pour « complot numéro 2 »

Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste Ennahdha, mais aussi l’ancien chef du gouvernement Youssef Chahed ou une cheffe de cabinet de la présidence : une fois encore, des personnalités de premier plan sont accusées d’avoir voulu déstabiliser l’État. Pour essayer de s’y retrouver dans cette multitude de dossiers, les Tunisiens ont baptisé celui-ci « affaire numéro 2 ».

En Tunisie , une affaire pour complot contre la sûreté de l’État peut en cacher de nombreuses autres. Après la première qui concernait 40 prévenus ayant écopé en première instance de peines allant de treize à soixante-six ans, la justice tunisienne a ensuite traité de l’affaire Instalingo qui comportait également un volet d’atteinte à la sûreté de l’État pour lequel les prévenus, dont des leaders islamistes et des personnalités gouvernementales, ont été condamnés à des peines de détention allant de six ans à trente-cinq ans

Quant à la première audience de l’affaire de complot « numéro 2 », le 6 mai, elle s’est soldée par un report au 27 mai. Cette « affaire numéro 2 », également affectée au pôle antiterroriste, semble en fait s’amalgamer avec l’affaire Instalingo et celles des 25, avec des accusés en commun. Ce qui revient à dire que certaines personnes – la plupart issues des rangs de l’opposition – étaient impliquées dans plusieurs intrigues contre la sûreté de l’État.

Une vingtaine d’accusés

Ce nouveau dossier concerne plus de 20 accusés, dont plusieurs sont en fuite à l’étranger. On trouve dans la liste des personnalités politiques connues : le dirigeant islamiste Rached Ghannouchi , son fils Moadh, son gendre Rafik Abdesalem, son conseiller Lotfi Zitoun, et Adel Dadaa. Ou encore les anciens députés aux positions extrémistes Habib Ellouze, Sadock Chourou et Maher Zid. Mais aussi des figures politiques comme l’ancien chef du gouvernement Youssef Chahed , l’ex-cheffe de cabinet du président Kaïs Saïed Nadia Akacha, et l’ancien conseiller à la primature Samir Hannachi. Des élus, dont Rayane Hamzaoui. Et des cadres du ministère de l’Intérieur : Kamel Guizani, Abdelakader Farhat, Abdelkrim Labidi, Maher Zouari, Fathi Beldi, ainsi que la journaliste Chahrazed Akacha et Kamel Bedoui, un officier à la retraite. Certaines de ces personnes se connaissent, mais la plupart n’appartiennent pas au même bord politique.

Mais dans le dossier de la chambre d’accusation du pôle antiterroriste, qui les poursuit pour complot contre la sûreté de l’État et incitation à commettre des actes terroristes sur le sol tunisien, chacun de ces acteurs joue un rôle ou fait une apparition.

Selon le rapport final d’instruction, Rached Ghannouchi et d’autres dirigeants de son parti, Ennahdha, ont voulu noyauter l’appareil sécuritaire de l’État en y introduisant des salafistes avec pour objectif de fomenter des attentats. Ce projet aurait reçu le soutien des différents prévenus qui occupaient des fonctions au gouvernement ou au ministère de l’Intérieur, à l’instar de Youssef Chahed et de Nadia Akacha.

Un procès à distance

Comme dans la première affaire, le dossier repose sur deux témoignages anonymes : ceux d’un certain « X » et d’un dénommé « Chakib », dont on ne sait rien. Quant aux chefs d’inculpation, aucune enquête ne vient fournir de preuves suffisantes pour les étayer. Le dossier comporte par exemple des statistiques d’appels téléphoniques entre certains prévenus, mais sans aucune transcription d’écoute permettant de corroborer les accusations, selon des avocats proches du dossier.

Le procès de cette « affaire numéro 2 » se tient aussi à distance pour les accusés qui sont sous mandat de dépôt. Il est présidé par Lassaad Chamakhi, magistrat controversé pour son instrumentalisation par le régime de Ben Ali, qui a également conduit, en avril et en mai 2025, le procès de la première affaire de complot et celui de l’envoi de jihadistes sur les zones de combat. Quant à l’opinion publique, qui peine à s’y retrouver parmi les 14 affaires de complot sur lesquelles la justice travaille actuellement, elle a choisi de les numéroter selon leur ordre de passage dans les salles d’audience.

Source : par Frida Dahmani, Jeune Afrique

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