Réponse à un ami virtuel ou plaidoyer pour Abir Moussi

Si Sami, je vous respecte et je respecte votre avis, même si je ne le partage pas. D’abord Feu Si Béji ne s’est décidé à se coaliser avec Ennahdha que lorsque Hamma Hammami, le roi de la gaffe et des ratages, a refusé de s’allier à Nidaa pour former une majorité parlementaire.

Ensuite, je ne crois pas du tout que sans Abir Moussi, Ennahdha serait tombée. Je ne vais pas m’étendre dans une longue analyse, mais je vous invite à vous interroger sur le parti ou le mouvement qui aurait pu l’écarter. Aucun… Au contraire, sans Moussi, plusieurs lois et décisions seraient passées… Que de manigances et entourloupettes elle a dévoilé… Pour en revenir à cette dame, je sais qu’elle donne le sentiment d’exagérer parfois, mais elle a de la personnalité, du courage, des principes, beaucoup de jugeotte et, qualité suprême, elle est patriote. Pas opportuniste pour un sou, elle est probablement narcissique. Je vous le concède. Mais est-ce vraiment un défaut, quand cela ne devient pas maladif ? Les grands hommes, les artistes et les écrivains le sont tous un peu. C’est un sentiment qui accompagne la foi qu’on a en ce qu’on entreprend, qui booste l’action et la création. En tant qu’anti PSD et encore plus RCD, cette dame ne me disait rien, mais j’avoue que j’ai ADMIRÉ (rares sont les personnes qui suscitent en moi l’admiration) quand, seule contre une centaine de forcenés plutôt qu’avocats, elle a défendu son parti lors du procès de sa dissolution, au moment même où les grands barons de ce parti se cachaient, retournaient déjà leurs vestes, se proposaient à la vente pour des miettes ou cherchaient des protections et des alliances, reniant leur passé d’hier…à peine. Je n’ai jamais oublié cette scène où, malgré la défaite de l’instant, elle est sortie, grande, de la salle d’audience, devenue un carré de lynchage, sous la protection du brave et sage Bouderbala (l’actuel bâtonnier). Grande par sa persévérance et sa loyauté de militante, son honnêteté d’avocate et son courage de FEMME TUNISIENNE. J’avoue que j’ai détesté tous les visages qui l’entouraient, déformés et amochis par la haine et qu’un fragile fil empêchait de la dépiécer.

Je n’ai jamais oublié cette scène, Abir Moussi non plus qui a provoqué en moi cet embarrassant sentiment qui consiste à reconnaître de grandes qualités à son « ennemi ». Et pour la première fois et avant même que la Tunisie ne commençât sa dégringolade, j’ai commencé à regarder en face ce que je me refusais de voir, à savoir les côtés positifs de Ben Ali; ce président que j’abhorrais et dont j’ai toujours perçu les tentatives de certains de son entourage de me récupérer, comme un affront…une humiliation.

Depuis que Hamed Karoui a cédé à Abir Moussi les rênes du Parti destourien, j’ai commencé à suivre les interventions de cette dernière, ses déclarations, ses actions (dans le cadre de son parti), sans attention particulière et dans les limites de mon travail qui me contraint à être au courant de ce qui se passe dans le pays. Petit à petit, elle s’imposait en leader charismatique, volontaire et sincère. Je l’ai alors interviewée à deux reprises et je peux prétendre qu’avec mon long parcours, j’ai appris à jauger et juger mes vis à vis. Je ne retiens pas ce qu’ils déclarent ou ce qu’ils veulent passer, mais ce qu’il y a derrière, c’est à dire leurs stimulants, le mécanisme de leurs pensées, le fond de leurs convictions… Tout cela peut se dévoiler à travers l’enchaînement des idées, un instant où le ton change, un mot « incongru » qui leur échappe…

Aussi et même si je ne l’ai rencontrée que deux fois dans un rapport interviewer – interviewée, puis-je vous assurer Si Sami, qu’elle sait que le RCD est mort, qu’elle est trop intelligente pour ne pas être convaincue qu’un retour en arrière est impossible, que la démocratie en Tunisie est inéluctable. En plus, elle a pour elle le courage, l’assise politique que personne n’a (c’est surtout pour cela qu’elle leur fait peur), la sincérité, la loyauté et le patriotisme. L’indépendant que je suis soutiendra Abir et le PDL. Je voterai pour eux, aussi. Évidemment. C’est que je suis convaincu que s’il y a un salut pour la Tunisie, il ne viendra de nulle autre part.

Slah Grichi