Quand la haine nous fait perdre la raison

Le Professeur Yadh Ben Achour est un éminent Juriste Tunisien , un publiciste de renommée qui a marqué de son empreinte des générations entières d’étudiants , nul en vérité ne peut lui nier ce mérite.
Ce grand Monsieur donc vient de faire cette étonnante déclaration à la presse :  » Si le Chef de l’état s’obstine à refuser d’accueillir les nouveaux ministres – afin qu’ils prêtent serment – il aura commis une faute lourde qui pourrait justifier sa destitution  » .
Cette déclaration , pour peu qu’elle tienne la route d’un point de vue constitutionnel, est politiquement grave . Elle est extrêmement dangereuse .
Nous n’allons pas nous engager sur le terrain du droit pour récuser cet avis , car nous ferions ainsi comme celui qui s’aventure imprudemment dans l’antre du lion . Nous ne pourrions en effet nous introduire dans ce débat sur la nature juridique de  » la faute lourde susceptible de provoquer la destitution du Président de la République  » , car nous n’en avons ni le temps, ni les moyens. Mais ce dont nous sommes convaincus c’est que ce genre de positions ne peuvent mener qu’au désastre. Si M . Kaîes Seaïd est destitué, et peu importe la raison , le pays va à coup sûr sombrer dans une crevasse si profonde que même la lumière céleste ne saura l’éclairer.
Les électeurs de Kaîes Seaïd qui avoisinent les trois millions , s’ils se mobilisaient, mettraient le pays à feu et à sang . Le parlement, son président compris , et tous les corps constitués qui viendraient à leur secours se verraient écrasés comme des fourmis sous les pieds de la foule .
Alors Cher Professeur Ben Achour ! Avant d’aller fouiller dans les entrailles jaunies du droit public , et avant surtout de balancer des déclarations à l’emporte-pièce et de jeter ainsi l’huile sur le feu , soupesez les forces en présence en prenant la juste mesure des équilibres politiques ; et ne laissez surtout pas vos sentiments personnels l’emporter sur la raison d’état. La rancune est mauvaise conseillère, elle est surtout indigne d’un académicien de votre rang .

Ben Ahmed Sobhi