Quand Bourguiba forçait les « nouzouh » à rebrousser chemin pour de bonnes raisons…

L’émission Forum, qui passe tous les jours sur Mosaïque fm., a consacré le numéro d’aujourd’hui au régionalisme. D’aucuns s’en sont pris à Bourguiba, reprenant une idée largement répandue : Bourguiba était régionaliste. Ils en prennent pour preuve les autorités qui forçaient régulièrement les ruraux à rebrousser chemin du temps de Bourguiba.

La police de Bourguiba repoussait les « nouzouh » pour de bonnes raisons, et non par régionalisme. Déjà, dans les années 1940 et 1950, les autorités coloniales se plaignaient du fait que des bidonvilles ceinturaient littéralement la ville de Tunis. Ils estimaient que cela présentait de différents dangers dont la salubrité et la sécurité. Les autorités coloniales, puis le jeune Etat indépendant tunisien, ne pouvant pas délivrer des permis de construction à tire-larigot, tentaient d‘empêcher les constructions illégales pour empêcher l’élévation des gourbis et éviter que les « nouzouh » n’occupent des terrains qui ne sont pas les leurs. Il fallait tracer des routes, ériger des constructions conformément aux règles de l’urbanisme, éviter que les constructions anarchiques ne poussent comme des champignons, etc.

Le contrôle de l’exode rural a, par exemple, permis à l’Etat tunisien de tracer des routes, d’installer l’eau à Jebel Lahmar, de construire des logements sociaux, de remplacer des bidonvilles par des petites maisons, certes pas luxueuses, mais qui disposent de toutes les commodités (cf. : déplacement des habitants du bidonville de Borj Ali Raïes à Kabbaria)…

En outre, le contrôle démographique et l’angoissante question du chômage se sont posés à l’orée de l’indépendance. Bourguiba voulait édifier un Etat moderne sur des bases solides. Le rythme d’accroissement augmentait d’année en année, il était trop rapide, et l’urbanisation était encore faible. Les villes ne pouvaient pas employer la main-d’œuvre abondante. Il fallait, entre autres, une volonté de limitation des naissances et des aménagements territoriaux rigoureusement élaborés pour que l’urbanisation soit maîtrisée.

Les ignares devraient se renseigner un peu avant d’accuser le père de la Nation de tous les maux. Eh oui ! Qu’on le veuille ou non, Bourguiba a transformé une poussière d’individus en une nation respectable. Excusez du peu.

P.-S. : Le régionalisme était encore plus profond dans la France du XIXème siècle qu’en Tunisie. Bretons, Normands, Basques, Provençaux, etc. n’avaient pas grand-chose en commun, strictement rien, même pas la langue ! Les régions du nord parlaient des dialectes d’oïl et celles du sud des dialectes de la langue occitane et chaque village avait son patois. Deux choses ont permis à la France de devenir ce qu’elle est : l’école (la généralisation de l’enseignement) et l’Armée.

Pierrot LeFou