Présidentielle en Tunisie : « séisme » politique, bras de fer administratif

Alors que la victoire du président sortant, Kaïs Saïed, lors du scrutin d’octobre était pratiquement garantie, une décision de justice pourrait bien transformer le visage des élections tunisiennes. Et compromettre ces élections taillées sur mesure pour imposer le président sortant.

Trois nouveaux candidats ont été réintégrés dans la course, après avoir été écartés par l’instance chargée des élections.

En Tunisie, tout semblait prêt pour que le scrutin présidentiel du 6 octobre prochain se déroule sans accrocs pour le chef de l’État sortant. Kaïs Saïed se voyait déjà rempiler pour un second mandat dès le premier tour. Pour lui, la partie était dans la poche, gagnée d’avance.

Selon la liste présentée par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Kaïs Saïed devait faire face à deux petits candidats qui ne faisaient pas le poids face à lui.

Mais en l’espace de quelques heures, coup de théâtre, le tribunal administratif a remis en selle trois candidats importants, l’islamiste modéré Abdellatif Mekki et un ancien ministre populaire de Ben Ali (le président déchu en 2011 par un vaste mouvement populaire), Mondher Zenaidi, explique le site d’information indépendant Kapitalis. Le 30 août, c’est un troisième candidat, Imed Daïmi, qui fait valider son ticket pour l’élection par le tribunal administratif, indique la radio Mosaïque FM.

Dans un message adressé aux Tunisiens depuis l’étranger, Mondher Zenaidi remercie les magistrats « qui ont suivi leur conscience et ont choisi de dire la vérité et de faire respecter l’état de droit ».

Bras de fer administratif

« Imaginez un cauchemar qui prend fin dans quarante jours, imaginez un espoir qui se réalise dans quarante jours, imaginez un pays sans populisme dans quarante jours, imaginez une belle Tunisie qui retrouve le sourire dans quarante jours !

Soyez avec nous à temps et faites des quarante prochains jours une épopée nationale et un honneur personnel », a-t-il ajouté.

De son côté, Abdellatif Mekki, frappé par un jugement qui lui interdit de faire campagne et de s’exprimer dans les médias, n’a pas réagi à sa réintégration à la course au palais de Carthage.

Ces décisions du tribunal administratif, qualifiées de « séisme » par le site d’information ouvertement hostile au président Saïed Business News, doivent faire face aux déclarations du président de l’Isie, Farouk Bouasker.

Le magistrat à la tête de l’instance électorale a en effet déclaré que « l’Isie était le seul garant du processus électoral ». Dans une déclaration aux médias, le président de l’organisme a laissé entendre que les décisions du tribunal ne seront pas prises en considération de manière systématique.

Des propos qui font réagir la classe politique mais surtout les magistrats, qui estiment « absurdes » les déclarations de Farouk Bouasker. « Le verdict définitif rendu par le tribunal administratif est indiscutable et non soumis au moindre commentaire, cela même s’il peut apparaître que son argumentaire est faible et non étayé », a écrit Omar Wesleti, magistrat auprès de la cour d’appel de Tunis, sur sa page Facebook.

Farouk Bouasker a annoncé que l’instance a prévu de se réunir pour examiner l’ensemble des candidatures avant d’annoncer la liste définitive des candidats en début de semaine.

Source : Courrier international, 31 août 2024