Lorsque l’imbécile montre la barrière, le sage regarde l’immeuble

Pierre Perret, auteur-compositeur-interprète français né en 1934, le jour de la Sainte Amandine, affirme que « la sagesse populaire peut parfois dire des conneries ». Et pour étayer sa thèse, il se réfère à une expression qui fait référence au péché originel commis par Eve au jardin d’Eden. Certes l’auteur et interprète de la chanson « Ouvrez la cage aux oiseaux » fait bien de rappeler l’existence de conneries chez celle que l’on présente comme étant la dépositaire de la sagesse. Car, ce faisant, il stigmatise le crétin qui se prend pour un sage, rappelant ainsi que lorsqu’un ballot commence à débiter, il devient difficile de contenir ses imbécilités et de pallier leurs retombées. Et les exemples ne manquent pas. J’en citerai deux :

1) « Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ». Il s’agit d’un proverbe français qui remonte au 17e siècle. Ce qui est consternant dans ce proverbe, c’est le recours à l’adjectif pire et la hiérarchisation implicite des sourds. Car, ce faisant, on sous-entend qu’ils sont tous mauvais. Il s’ensuit donc que lorsque l’on se réfère à ce proverbe, on dépeint les sourds plus méprisamment que ne l’avaient fait Platon et Aristote. En effet, le premier, ne comprenant pas les langages gestuels des sourds, disait qu’ils sont incapables de penser. Le second, ne disposant pas de pédagogie transcendante adaptable aux sourds, affirmait qu’ils sont irrémédiablement inéducables… Mais le comble de la consternation, c’est lorsque certains, prétendant être Les garants des libertés démocratiques, qui, s’obstinant à défendre l’indéfendable, recourent à cette « connerie populaire » pensant pouvoir intimider leurs protagonistes et partant leur imposer des opinions, qui pourraient, par ailleurs, ne pas être les leurs et ce sans le moindre argument plausible !

2) « Lorsque le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». Il s’agirait d’une citation attribuée à Lao Tseu, qui aurait été un sage chinois contemporain de Confucius, devenue proverbe. Si les morts entendaient et si je demandais à 3am Mohieddine Mrad -paix à son âme- de commenter cette citation, il me répondrait :
Je ne crois pas que ces paroles soient celles d’un sage, car elles ne respectent pas la loi du moindre effort. Or la sagesse s’acquiert avec l’âge. Et avec l’âge on devient de plus en plus adepte de cette loi. Il s’ensuit donc que, Lao Tseu étant un sage, il aurait dit : lorsque l’imbécile montre la lune, le sage regarde le doigt. Je pense donc que le Français -qui aurait rapporté cette citation- l’aurait entendue au fameux Lotus bleu à Shanghai. Et que sous l’effet de ce qu’il y aurait consommé, il aurait interverti les rôles. Car le bon sens suggère qu’on examine le doigt afin de s’assurer de la réalité et de la véracité de ce que l’on veut montrer…Précaution devenue de plus en plus pressante vu la prolifération des doigts diffamateurs, depuis la démocratisation des réseaux sociaux et le débridement de la parole.

A titre d’exemple, je vais te parler du doigt qui montre la barrière interdisant l’accès des véhicules au tronçon de la Rue 7102 compris entre la Rue Ali Zlitni et la Rue Mosbah Jarbou sises à El Manar 3, récemment transformé en impasse. Il est à noter que cette interdiction ne concerne pas les riverains. C’est-à-dire les quatre villas de la rive gauche et le centre commercial Manar City de la rive droite. Or le représentant personnel du président de la République Béji Caïd Essebsi fait partie des « privilégiés » de la rive gauche. Aussi l’accuse-t-on « d’abus de pouvoir », sans parler de l’immeuble érigé sur la rive droite et qui appartient à des proches de Riadh Mouakhar, ministre des Affaires locales et de l’Environnement. Car si on jetait un regard, aussi furtif soit-il, sur cet immeuble, dont le début de la construction remonte à 2002, on constaterait qu’il est certes occupé, et ce en dépit de l’inexistence de retrait suffisant pour l’aménagement du trottoir, de la démolition de l’étage supérieur, de l’inachèvement des travaux, notamment ceux relatifs aux issues de secours…Et que sais-je encore ! Aussi, dès lors que les travaux sont inachevés et que la sécurité des usagers, notamment les clients, de ce centre commercial n’est pas assurée, est-on en droit de se poser la question de savoir si un quelconque permis d’occuper aurait été accordé aux propriétaires de cette construction conformément aux dispositions de l’article 74 de la loi 94-122 du 28 novembre 1994, portant promulgation du code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme.

Cependant, si on demandait à l’un des quatre « privilégiés » de la rive gauche d’expliquer la raison d’être de cette satanée barrière, il répondrait qu’elle concrétise la seconde partie de « l’arrangement amiable » conclu afin de faire éviter la démolition de l’immeuble érigé sur la rive droite, car il ne respecte ni le cahier des charges ni le permis de bâtir délivré par la municipalité de Tunis. C’est-à-dire qu’il viole le code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme précédemment cité, au su et au vu du maire de la capitale, de son gouverneur et du ministre chargé de l’Urbanisme, qui semblent tous faire fi des dispositions de l’article 80 dudit code ! Aussi, est-on en droit de se poser la question de savoir si le ministre des Affaires locales et de l’Environnement aurait joué ou non un quelconque rôle dans ledit arrangement amiable afin de préserver cette malédiction appartenant à ses proches.

Un drôle d’arrangement amiable qui assure la survie d’un immeuble exhalant la fétidité de la corruption aux dépens de la sécurité des honnêtes riverains. En effet, à cause des inévitables manœuvres de conduite engendrées par cette modification du tracé des voies de circulation, plus on s’éloigne de la barrière et on s’engouffre dans l’impasse, plus on risque de mettre sa vie en péril, car les secours, qu’ils soient médicaux ou de la protection civile, seront certainement compromis.

Quel drôle d’arrangement amiable ! Un véritable marché de dupes ! Plus honteux que le tristement célèbre article 227 bis du code pénal tunisien, qui dispose que le mariage de celui qui « fait subir sans violences, l’acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de quinze ans accomplis », avec sa victime, arrête les poursuites ou les effets de la condamnation ! Car si le fait que le violeur pénètre sa victime -devenue son épouse- n’affecte aucunement le contribuable et passe souvent inaperçu, il n’en est pas de même lorsque l’un des riverains entre dans ce cul-de-sac ou en sort. En effet, à chaque signal de commande de la barrière, à chacune de ses multiples montées et descentes, l’honnête contribuable tunisien, aussi lointain soit-il, qu’il soit militaire combattant les terroristes à Djebel Chambi, qu’il soit douanier pourchassant les contrebandiers destructeurs de notre économie…contribue, sans le savoir, à primer la corruption et à l’entretenir. Mais il contribuera davantage lorsque l’actionnement de la barrière coïncide avec l’approvisionnement du centre commercial qui est générateur le plus souvent d’embouteillages !

Alors ya oueldi, si un jour la municipalité de Tunis te fait parvenir un avis de recensement énumérant les services qu’elle est censée rendre aux contribuables locaux : nettoiement, éclairage public, chaussées goudronnées, trottoirs dallés, évacuation des eaux usées, évacuation des eaux pluviales et autre, tu peux certes contester le quatrième service, et ce en te basant sur le fait que les trottoirs gérés par la municipalité de Tunis, lorsqu’ils existent, ne sont pas systématiquement dallés. Par contre, tu ne peux pas nier l’existence du septième service qu’on n’a pas nommé. Et c’est justement parce qu’il est innommable qu’on ne l’a pas nommé. Car cet « autre » service n’est rien d’autre que la protection des corrupteurs et partant l’incitation à la corruption. Un service odieux que vient de rendre la mairie de Tunis aux propriétaires centre commercial Manar City, avec la bénédiction d’un gouvernement prétendant être en guerre contre la corruption, et sous le regard bienveillant de l’Instance nationale de lutte contre la corruption.

Ainsi j’entends la réponse que m’aurait fournie Le Fou de Kairouan.

Rached Hadj Salem