Un rapport de la Sûreté de l’Etat belge alerte sur la menace terroriste islamiste persistante dans le pays et met particulièrement l’accent sur le risque que constitue la population carcérale islamiste «d’une importance jamais égalée auparavant».
Les services de renseignement belges s’inquiètent d’une menace terroriste persistante dans le pays, en raison de la radicalisation en prison et du risque de récidive des condamnés pour terrorisme, « un problème d’une ampleur considérable » selon eux.
La Sûreté de l’Etat, le service civil de renseignement en Belgique, s’exprime ainsi dans son rapport d’activité 2017-2018, cité par l’AFP ce vendredi 30 novembre . Une démarche de transparence rare saluée comme « une petite révolution » par les médias belges.
Les prisons belges, note le rapport, « abritent aujourd’hui une population de détenus incarcérés pour terrorisme d’une importance jamais égalée auparavant », ce qui expose à un risque de « contagion » des idées radicales « plus considérable que jamais ».
Danger de l’enseignement islamiste
L’écueil de la radicalisation dans les prisons. Le problème, « d’ampleur considérable », est connu, la Sûreté s’en inquiète et craint une nouvelle vague d’extrémisme en Belgique du fait « des élans récidivistes des détenus condamnés pour terrorisme ». Des task forces locales sont implantées pour surveiller les ultra-radicalisés qui ont purgé leur peine et sont en liberté. Avec la création d’une « cellule prisons » en août 2015, le nombre de rapports annuels sur les détenus radicaux a progressé de 45 à 598, montrant l’importance que ce sujet requiert aux yeux du Renseignement.
La menace djihadiste actuelle. Trente mois après les attentats de Bruxelles, « la menace ne s’est pas réduite », a estimé l’administrateur général de la Sûreté, Jaak Raes, en conférence de presse. On estime à 400 le nombre de Belges partis combattre au Proche-Orient. 130 sont revenus au pays, 150 se trouveraient toujours dans la région.
Le danger de l’enseignement islamiste. La Sûreté a pu observer une « offensive de certains réseaux salafistes internationaux sur l’enseignement », via des écoles ou même l’enseignement à domicile. 20% des parents d’élèves inscrits en enseignement à domicile sont liés à des groupes extrémistes. « La menace potentielle (…) est à prendre au sérieux au vu de la fragilité et de la sensibilité du public cible », écrit le rapport.
Un risque de contagion ?
« Compte tenu de la tendance actuelle et persistante à la récidive chez les anciens détenus incarcérés pour terrorisme, sans parler des prisonniers radicalisés « ordinaires », la Belgique devra encore faire face pendant un certain temps à une menace terroriste latente », poursuit le rapport.
La Belgique a été frappée par plusieurs attaques jihadistes revendiquées par le groupe Etat islamique ( Daech ) , notamment en 2016 (32 morts à Bruxelles) et en mai 2018 (3 morts à Liège).
Les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles ont été perpétrés par une cellule également à l’origine de ceux du 13 novembre 2015 à Paris (130 morts). Les auteurs avaient pour certains combattu en Syrie, nombre d’entre eux étaient d’anciens condamnés.
La Sûreté de l’Etat présente le conflit syrien comme un « catalyseur » du phénomène de radicalisation des détenus, en partie à l’origine de la récidive.
« Nombreux sont les individus condamnés en Belgique entre 2001 et 2011 dans des affaires de terrorisme et qui récidivent en tant qu’extrémistes islamistes ou que terroristes », est-il souligné.
Et ceux qui sortiront de détention « d’ici 3 à 5 ans », est-il ajouté, « sont susceptibles d’entraîner une nouvelle vague d’extrémisme, voire de jihadisme dans notre pays ».
En proportion de sa population, la Belgique a été un des tout premiers pourvoyeurs de combattants étrangers pour le jihad en Syrie, avec « depuis 2012, plus de 400 » départs recensés, selon ce rapport.
Parmi ces combattants belges, un tiers est revenu, beaucoup sont morts, mais « environ 150 » seraient encore « actifs sur place », un nombre resté « étonnamment stable depuis 2016 ». « L’implosion du califat n’a pas entraîné un retour massif » de ces jihadistes étrangers, est-il indiqué.
Dans un chapitre sur « Le salafisme, numéro un de l’extrémisme », la Sûreté de l’Etat relève que l’enseignement à domicile (EAD) est un vecteur de radicalisation.
« Près de 20% de parents d’élèves inscrits dans l’EAD seraient liés à des groupes extrémistes », ce qui est « une menace potentielle à prendre au sérieux au vu de la fragilité du public-cible ».