La matinée sanglante de Brahim Aouissaoui à la basilique de Nice

Les reporters de « Paris Match » ont reconstitué, minute par minute, la matinée sanglante de l’égorgeur de Nice , le tunisien Brahim Aouissaoui, jusqu’à l’attaque de la Basilique  et l’intervention de la police municipale.

Nice, 29 octobre, 8h26. Deux caméras de surveillance installées devant la porte d’entrée principale de la Basilique filment un jeune homme faisant les cent pas, l’air de rien sinon d’attendre l’ouverture de l’église. Il porte une casquette rouge et noir, un masque chirurgical sur le visage, une doudoune rouge, un jean, des baskets et un sac à dos sur les épaules. Il pénètre dans la Basilique lorsque le sacristain Vincent Loquès ouvre comme chaque matin ses portes, à 8h30. Celui-ci a donc certainement vu le visage de son futur assaillant et peut-être ont-ils échangé quelques paroles. Le sacristain vaque à ses occupations. À l’intérieur, aucun fidèle encore. Ibrahim Aouissaoui attend. Il fait même semblant de se recueillir.

Tôt ce matin-là, en sortant du hall d’immeuble où il a passé la nuit dans une cage d’escalier, il est déjà allé prier dans une mosquée rue Reine-Jeanne, où viennent des ouvriers avant d’aller au travail. Dans la Basilique se trouvent maintenant une dizaine de personnes.

8h50. L’une d’elles sort affolée, tombe sur une patrouille pédestre rue Jean Médecin. Une autre actionne à 8h51 la borne d’appel d’urgence de la Police Municipale, à l’angle Jean Médecin-rue d’Italie. En 21 minutes donc, Brahim Aouissaoui a égorgé profondément, près du bénitier situé à gauche de l’entrée, une fidèle de 60 ans, Nadine Devillers, que l’on retrouvera allongée sur le dos dans une mare de sang. Sa gorge béante fait clairement penser à une décapitation. Ensuite, vraisemblablement, il tue le sacristain. Il attaque enfin Simone Barreto Silva, 44 ans, laquelle, gravement blessée, a la force de s’enfuir par la sacristie, au fond à gauche. Dehors, sur le trottoir, des traces de son sang conduisent à un snack. On voit encore l’empreinte rouge de ses mains, elles suggèrent que Simone Barreto Silva a dû ramper. Elle se réfugie dans le snack, mais succombera à ses blessures à 11h30.

8h52. Deux policiers municipaux pénètrent par l’entrée principale et voient le corps de Nadine Devillers. Quatre autres, après l’alerte générale qui est donnée, entrent côté sacristie, là où Simone Barreta Silva est sortie. Ils ont déjà sorti leur arme. « Tout s’est passé très vite, nous explique Richard Gianotti, directeur de la Police Municipale de Nice. Ces quatre policiers, quatre hommes, se sont retrouvés face à face avec le terroriste, dans un couloir exigû de quelques mètres de long. Il tentait de s’enfuir en courant, un couteau dans la main droite pointé sur eux et hurlait Allah Akbar. Il n’y eût le temps d’aucun dialogue. Passé un bref instant de sidération, un premier policier, en « position contact » actionne son Taser. Malgré ça, le terroriste continue sa course.

L’état de santé du terroriste, conduit en réanimation, s’est dégradé

Les autres policiers, quasiment au même moment, tirent alors avec leur semi-automatique, un Glock 9 millimètres. Sur quinze cartouches, onze atteignent l’assaillant. Ils ont instinctivement évité sa tête et donc visé les jambes. (Ibrahim Aouissaoui sera touché aux jambes, à l’entre-jambes, à l’abdomen et aux épaules ndlr) À terre, blessé mais vivant, il a été vite menotté. Il continuait de prononcer Allah Akbar, même devant les pompiers venus prodiguer des soins. « Mes hommes avaient vérifié qu’il ne portait pas de ceinture d’explosif, qu’il n’y avait pas d’autres assaillants ou complices. On pouvait très bien se trouver dans une situation de sur-attentat. » Il est 8h54.

« Avec l’aide du Raid, il a fallu ensuite sécuriser le périmètre, poursuit Richard Gianotti, et préserver la scène de crime. Empêcher aussi des gens présents de sortir, qui pouvaient être des complices. Certains des policiers ont eu l’impression de revivre l’attentat du Carnaval de Nice. Ils ont repris leur travail, heureux d’avoir neutralisé l’assassin et sauvé des vies. Ce sont des héros, mais aussi, à Nice, des héros du quotidien. »

L’enquête, confiée à la Sous-direction antiterroriste (SDAT) la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, (DGSI) et à la PJ de Nice et son antenne de Marseille, cherche maintenant à remonter le parcours d’Aouissaoui depuis son départ de la Tunisie. À savoir jusqu’à quel point il aurait prémédité ses actes et avec quelles éventuelles complicités. Deux Tunisiens, toujours en garde à vue, pourraient éclairer les enquêteurs. L’un a voyagé avec Aouissaoui. L’autre, à Sarcelles, a échangé des sms avec lui. Dans l’un d’eux, Aouissaoui parle de France ainsi : « Pays de mécréants ».

Ibrahim Aouissaoui, qui ne parle à priori pas le français a continué, sur son lit d’hôpital, à proférer ses invectives islamistes. Au Chu Pasteur 2 de Nice, il a été testé positif au Covid19. Cela fait de tous ceux qui l’ont approché, policiers municipaux et pompiers, des cas-contact. Le pronostic vital du terroriste est aujourd’hui de nouveau engagé. Il a été conduit en réanimation.