Le président Kaïs Saïed a déclaré tard dans la nuit que cet organe, appartenait au passé. Des manifestations sont prévues ce dimanche dans le pays pour commémorer le 9ème anniversaire de l’assassinat du militant de gauche Chokri Bélaid .
Le président tunisien Kaïs Saïed, qui s’est arrogé depuis juillet 2021 les pleins pouvoirs, a annoncé, dimanche 6 février, avoir décidé de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organisme indépendant chargé de nommer les juges, l’accusant d’être partial et au service de certains intérêts.
« Le CSM appartient au passé à partir de ce moment », a déclaré le chef de l’Etat dans une vidéo diffusée en pleine nuit où on le voit discuter avec différents ministres. Il a ajouté qu’il publierait un décret temporaire à son sujet. Aucun détail supplémentaire concernant ce décret n’a été donné. Il y a quelques semaines, il avait déjà retiré un certain nombre d’avantages aux membres du CSM.
Dans cette vidéo ( ci-dessus ) , il accuse cet organe constitutionnel de corruption et de partialité et d’avoir ralenti certaines procédures, dont les enquêtes sur des assassinats de militants de gauche survenus en 2013. Le Mouvement du 25 juillet, qui regroupe ses partisans, avait appelé samedi M. Saïed à dissoudre le CSM pour « purger » le pouvoir judiciaire de « magistrats corrompus ».
Interdiction de manifester
« Malheureusement dans ce pays, certains juges dans les tribunaux ont manipulé le dossier Chokri Belaïd », a dénoncé M. Saïed, à propos de l’affaire de ce militant laïc tué de trois balles devant son domicile le 6 février 2013. « Ce n’est pas le premier procès où ils essaient de cacher la vérité depuis des années », a-t-il estimé. « Dans ce conseil, les postes et les nominations se vendent et se font selon les appartenances, a affirmé le chef d’Etat, en ajoutant : Vous ne pouvez pas imaginer l’argent que certains juges ont pu recevoir, des milliards et des milliards. » Pour lui, « la place des juges [du CSM] n’est pas là où ils se trouvent mais sur le banc des accusés ».
Des partis politiques et des organisations, dont l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), manifesteront dimanche pour réclamer que les personnes impliquées dans des affaires de terrorisme soient tenues pour responsables de leurs actes. Les manifestants rendront hommage à Chokri Belaïd au neuvième anniversaire de son assassinat. Ils commémoreront aussi l’assassinat de Mohamed Brahmi, tué dans des circonstances similaires le 25 juillet 2013.
Les partisans de Kaïs Saïed devraient, quant à eux, manifester contre le Conseil supérieur de la magistrature. « Je dis aux Tunisiens qu’ils peuvent manifester librement. C’est leur droit. Tout comme nous avons le droit de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature », a déclaré le président, alors même que l’interdiction de manifester a été déclarée par le gouvernement.
Selon les observateurs, le président vise le parti islamiste Ennahda, qui a contrôlé le Parlement et les différents gouvernements depuis la révolution de 2011 et la chute du dictateur Ben Ali. M. Saïed concentre tous les pouvoirs depuis le 25 juillet, quand il a limogé son premier ministre et gelé le Parlement, une décision qualifiée de coup d’Etat par Ennahda et d’autres opposants.
Il a depuis nommé un gouvernement, mais il prend ses décisions par décrets. A la mi-décembre 2021, il a annoncé un référendum cet été pour réformer la Constitution et des élections législatives en décembre.
dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature