Jordanie : Le demi-frère du roi accusé de préparer un complot

L’ancien prince héritier et demi-frère du roi Abdallah II de Jordanie a annoncé samedi avoir été « assigné à résidence » dans son palais d’Amman, après avoir été accusé par l’armée d’activités contre « la sécurité du royaume ».

« Le prince Hamza, demi-frère roi AbdallahII, et plusieurs hauts responsables jordaniens auraient porté atteinte à la sécurité du royaume hachémite » a affirmé , dimanche  , le vice-Premier ministre jordanien. Ces accusations interviennent au lendemain d’une série d’arrestations.

Le prince Hamza, demi-frère du roi Abdallah II, et plusieurs personnes dont deux ayant occupé des postes à responsabilités en Jordanie sont accusées d’avoir porté atteinte à la sécurité du royaume, a affirmé dimanche 4 avril le vice-Premier ministre jordanien, Ayman Safadi. Celui-ci soutient également que l’ancien prince héritier a été en contact avec des complices à l’étranger en vue d’un complot.

Ayman Safadi, qui occupe aussi le poste de ministre des Affaires étrangères a précisé lors d’une conférence de presse qu’une quinzaine de personnalités de haut rang avaient été arrêtées, dont Cherif Hassan ben Zaid, ancien conseiller du roi, et Bassem Awadallah, ancien chef de la Cour royale.

Dans un communiqué, le chef d’état-major jordanien, le général Youssef Huneiti, avait précisé que le prince Hamza avait été « appelé à arrêter des activités qui pourraient être utilisées pour porter atteinte à la stabilité et la sécurité du royaume », mais avait démenti son arrestation.

« Personne n’est au-dessus de la loi. La sécurité et la stabilité de la Jordanie passent avant tout », avait dit le général Huneiti. « Toutes les mesures qui ont été prises l’ont été dans le cadre de la loi et après une enquête approfondie », a-t-il ajouté. Des vidéos sur les réseaux sociaux ont montré un déploiement massif de la police près des palais royaux, dans le quartier de Dabouq à Amman.

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« Les services de sécurité ont suivi durant une longue période les activités et les mouvements du prince Hamza ben Hussein, de Cherif Hassan ben Zaid et de Bassem Awadallah et d’autres personnes visant la sécurité et la stabilité de la patrie », a déclaré le vice-Premier ministre. « Les enquêtes ont permis de surveiller les interventions et les contacts avec des parties étrangères visant à déstabiliser la sécurité de la Jordanie », a-t-il ajouté.

Selon lui, les services de sécurité ont recommandé au roi Abdallah II de déférer toutes les personnes mises en cause devant la Cour de sûreté de l’État.

La reine Noor, veuve du défunt roi Hussein, mort en 1999, et mère du prince Hamza, a défendu son fils et déclaré dans un tweet « prier pour que la vérité et la justice l’emportent pour toutes les victimes innocentes de cette calomnie malfaisante ».

Samedi 3 avril, le chef de l’état-major de l’armée jordanienne avait rendu visite au prince Hamza en le mettant en garde contre des actions visant « la sécurité et la stabilité » du pays.

Cette visite a été faite après décision du roi « de traiter la question […] pour le dissuader de poursuivre ses activités qui […] sont exploitées pour altérer la sécurité de la Jordanie et des Jordaniens et constituent une rupture avec les traditions et les valeurs de la famille hachémite », selon le vice-Premier ministre.

Mais cela s’est mal passé. « Le chef d’état-major interarmées a rencontré samedi le prince Hamza pour transmettre ce message et lui ont demandé d’arrêter tous mouvements et activités visant la sécurité et la stabilité de la Jordanie, mais Hamza a traité cette demande d’une manière négative sans prendre en considération les intérêts du pays », a ajouté le vice-Premier ministre, sans préciser le sort qui serait réservé au prince Hamza.

Le ministre a fait état de communications entre des personnes du cercle de Hamza ben Hussein et « des organes à l’étranger ».

Selon Ayman Safadi, une « personne ayant des liens avec les services de sécurité étrangers a été en contact avec la femme du prince Hamza et lui a proposé de mettre à sa disposition un avion pour qu’elle quitte la Jordanie vers un pays étranger ».

Hamza affirme être assigné à résidence

Dans un message vidéo transmis par son avocat à la BBC, le prince Hamza a dit avoir été assigné à résidence et avoir reçu ordre de ne prendre contact avec personne. Il a accusé également les dirigeants jordaniens de corruption.

Le roi Abdallah II a démis son demi-frère de sa qualité d’héritier du trône en 2004 afin de consolider son pouvoir.

Bien que marginalisé depuis des années, le prince Hamza irrite les autorités par les efforts qu’il déploie pour nouer des liens avec des responsables de tribus puissantes.

Manifestations contre la corruption

Ces personnalités ont appelé ces dernières semaines à des manifestations contre la corruption et les autorités ont réprimé plusieurs rassemblements, arrêtant des dizaines de personnes.

« Complot complexe »

Selon le Washington Post, le prince Hamza est visé par une enquête après « la découverte de ce que des responsables du palais ont décrit comme un complot complexe et de grande envergure » visant à renverser le roi Abdallah II.

Ce complot « comprenait au moins un autre membre de la famille royale ainsi que des chefs tribaux et des membres de la direction de la sécurité du pays », a-t-il ajouté, citant un haut responsable d’un service de renseignement du Moyen-Orient.

« Je ne fais partie d’aucun complot ni d’aucune organisation malfaisante », s’est défendu le prince dans la vidéo, regrettant qu’il ne soit plus possible, selon lui, d’exprimer son opinion ou de critiquer les autorités « sans être intimidé, harcelé ou menacé ».

Le pouvoir jordanien pense que « ses intérêts personnels, ses intérêts financiers, sa corruption est plus importante que la vie, la dignité et l’avenir des dix millions de personnes qui vivent ici », a encore accusé le prince Hamza. « Malheureusement, ce pays s’est enfoncé dans la corruption, dans le népotisme et dans la mauvaise administration, avec pour résultat l’anéantissement ou la perte de l’espoir », a-t-il poursuivi.

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Dépouillé de son titre

Hamza est le fils aîné du roi Hussein et de son épouse américaine, la reine Noor, née Lisa Halaby. Conformément au souhait de son père, décédé en 1999, il avait été nommé prince héritier lorsqu’Abdallah était devenu roi. Mais en 2004, Abdallah l’avait dépouillé du titre et l’avait donné à son fils aîné Hussein.

Deux alliés de la Jordanie ont vite apporté leur soutien samedi au roi Abdallah II. « Le roi Abdallah est un partenaire clé des Etats-Unis, et il a tout notre soutien », a déclaré le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price.

En Arabie saoudite, le palais royal a également fait part dans un tweet de « son appui total au royaume hachémite de Jordanie (…) et aux décisions et mesures prises par le roi Abdallah II et le prince héritier Hussein pour sauvegarder la sécurité et la stabilité » dans le pays.Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a affirmé son « soutien au royaume frère de Jordanie » et à « toutes les mesures qu’il prendra pour assurer sa sécurité et sa stabilité ».

L’assignation à résidence du prince et les arrestations surviennent à quelques jours de la célébration du centenaire du royaume. Le 11 avril 1921, le roi Abdallah, dirigeant du nouvel Etat de Transjordanie, avait formé son premier gouvernement, après la création de l’émirat en mars 1921, aux côtés de la Palestine pendant le mandat britannique.

Le roi Abdallah II, dont le pays est considéré comme l’un des plus stables du Proche-Orient, a reçu de nombreux messages de soutien de la part des pays voisins et des monarchies du Golfe.

Le roi du Maroc, Mohamed VI, s’est également entretenu avec lui au téléphone pour l’assurer de sa solidarité.

Avec agences