Sous la pression de familles de disparus, dont certains sont, depuis, élus à la Knesset, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a fait déclassifier 200 000 documents.
Au cours d’une séance spéciale de la Commission ad hoc de la Knesset, le parlement israélien, organisée le 14 juin dernier ont ainsi été dévoilées des lettres échangées au début des années 1950 par plusieurs directeurs de grands hôpitaux du jeune Etat d’Israël. Ceux-ci se félicitaient confidentiellement de «disposer d’un matériel si abondant à Rosh Hayin», le petit village où étaient alors parqués de nombreux Yéménites.
Au tout début des années 1950, juste après la création de l’État hébreu, des milliers d’enfants yéménites ont été enlevés à leurs familles, révèle le journal suisse Le Temps.
Certains d’entre eux ont même servi de cobayes humains dans le cadre d’expérimentations médicales.
Peu après la création de l’Etat hébreu en 1948, des centaines de milliers de Juifs originaires des pays arabes et du bassin méditerranéen se sont installés en «Terre promise». Leur intégration n’a pas été facile car la plupart d’entre eux étaient considérés avec mépris par l’establishment «ashkénaze», ces Juifs d’Europe qui constituaient l’ossature du nouvel Etat juif.
Parqués dans des camps de tentes ou dans des «maabarot», des villages de cabanes rudimentaires, les nouveaux émigrants orientaux ont beaucoup souffert. Mais les plus mal traités étaient sans conteste les 48 000 Yéménites emmenés en Israël entre 1948 et 1949 dans le cadre de l’opération «Tapis volant», un pont aérien secret lancé avec le soutien des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
Profondément religieux, pétris de traditions ancestrales et souvent analphabètes, les «Teymanim» («Yéménites», en hébreu) croyaient réaliser un rêve biblique et s’installer au «Gan Eden» (le paradis). En réalité, beaucoup y ont découvert l’enfer. Surtout les parents des trois à cinq mille enfants enlevés par des infirmières à des fins de «vaccination» avant d’être déclarés «morts» ou «disparus».
Plus de 60 ans de secret
Restée presque enfouie pendant plus de 60 ans, la question des « enfants disparus » enflamme ces derniers temps les débats de la commission d’enquête de la Knesset, le Parlement israélien. Et les révélations qui en sortent sont plus terrifiantes, encore, que ce qui était évoqué jusqu’ici.
Selon les archives, des milliers d’enfants yéménites ont bien été enlevés. Mais il y a bien pire: certains disparus ont succombé lors d’expériences médicales pour lesquelles ils ont servi de cobayes humains.
Un « matériel si abondant »
C’est d’une séance spéciale de la Commission ad hoc de la Knesset, le 14 juin dernier, que sont sorties des lettres échangées entre les directeurs de différents hôpitaux du pays, dans lesquelles ils se félicitaient – secrètement – de « disposer d’un matériel si abondant à Rosh Hayin » – le petit village où étaient alors parqués de nombreux Yéménites.
Un député, Amir Ohana, n’en revient pas: « Je n’imaginais pas que des choses pareilles aient pu se produire dans ce pays », lâche-t-il au Temps. Il a retrouvé le témoignage d’une infirmière qui raconte des expériences sur la « résistance » du « cœur des Yéménites ».
Quatre enfants morts, enterrés à la va-vite
Au milieu de rapports sur des expériences destinées à prouver ou non que les Yéménites avaient « du sang nègre », la trace d’au moins quatre enfants sur lesquels un « traitement expérimental actif » a été testé. Morts peu après, ils ont été enterrés à la va-vite, on ne sait où.
À la création d’Israël, en 1948, des centaines de milliers de Juifs du Proche-Orient affluent en « Terre Promise »… mais sont souvent méprisés par les ashkénazes, ces Juifs d’Europe « originels » de l’État hébreu.
Pression des familles
Nombre de leurs proches étaient persuadés, depuis plus de 60 ans, qu’ils avaient en fait été « vendus » à des familles occidentales en vue d’une adoption. Aucun n’imaginait la terrible vérité qui semble se dessiner au fil des enquêtes – longtemps empêchées.
Depuis les années 1960, sous la pression des familles, trois commissions d’enquête ont été créées pour élucider le mystère, en vain. Ce n’est qu’à l’été 2016 que, acculé, même par des descendant de disparus élus à la Knesset, le gouvernement de Benyamin Netanyahou autorise la publication de 200 000 documents classifiés, et entrouvre la porte à la terrible vérité.
Une mort « programmée »?
Ygal Yossef, descendant d’une famille marquée par la disparition d’un proche, veut « vider l’abcès, quoi qu’il en coûte ». Il a même obtenu et fourni aux députés des copies de certificats de décès « en blanc » et antidatés… prouvant la mort « programmée » de nombreux cobayes.
Il sait, bien sûr, qu’Israël lors de sa création était un « foutoir », mais il ne veut pas que cela serve d’excuse: « Nos parents étaient des gens faibles ne comprenant pas bien l’hébreu et ne connaissant pas leurs droits. Ils ont été abusés. […] Je ne réclame pas la vengeance. Seulement la justice », assure-t-il au journal suisse Temps qui ajoute : «J’ai retrouvé le témoignage d’une infirmière racontant comment des médecins avaient tenté de savoir pourquoi le cœur des Yéménites est aussi résistant», raconte le député Amir Ohana, (Likoud). «Je n’imaginais pas que des choses pareilles aient pu se passer dans ce pays, j’en suis retourné.»
Source : Le Temps et ledauphine.com