Élection présidentielle en Algérie : circulez, il n’y a rien à voir

Près de 25 millions d’Algériens sont appelés à élire leur président, ce samedi, lors d’un scrutin cadenassé.

L’actuel chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, part grand favori. Aucune rupture économique, encore moins politique.

« Circulez, il n’y a rien à voir. » Le suspense est quasiment absent de cette élection présidentielle algérienne qui doit se dérouler ce samedi. Le président en exercice, Abdelmadjid Tebboune, est candidat à sa succession et apparaît comme le grand favori du scrutin lors duquel 25 millions d’électeurs sont appelés à se prononcer. Mais il y a fort à parier que seul le taux de participation sera l’inconnue de ce rendez-vous.

Le dirigeant sortant est en effet opposé à seulement deux adversaires, Abdelaali Hassani, chef du principal parti islamiste, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), et Youcef Aouchiche, à la tête du Front des forces socialistes (FFS), parti qui boycottait les élections depuis 1999. Les autres ont refusé de participer au scrutin, ou ils en ont été interdits, quand ils n’ont pas été arrêtés.

Une indifférence de la rue

Résultat, « les Algériens font preuve d’une certaine indifférence face à la politique telle qu’elle se fait aujourd’hui. Ils ont endossé l’idée que ces élections ne peuvent entraîner de rupture politique », explique Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) à Genève.

Le mouvement pro démocratie de 2019, baptisé Hirak, était parvenu à chasser du pouvoir le président Bouteflika cette année-là, mais il semble loin. Certes, le candidat de gauche a promis dans les colonnes du journal « El-Watan » de changer « le système de gouvernance » et de lancer « des réformes politiques et institutionnelles profondes » pour « instaurer la démocratie » et « consolider la séparation des pouvoirs ».

Vaste programme. Mais ses chances de l’emporter sont minces et, en attendant, la répression continue. L’organisation Amnesty International déplorait cette semaine, dans un communiqué, « les violations persistantes des droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association et à la liberté de la presse » commises par les autorités algériennes. Celles-ci « ont contribué à créer un climat de crainte et de censure dans le pays », estimait l’ONG.

« L’illibéralisme politique de Tebboune est incontestable, mais le président a fait justement campagne d’abord sur la restauration de l’Etat, une partie des Algériens craignant une déstabilisation du pays telle que l’a connue la Libye par exemple », souligne Hasni Abidi.

Eviter toute velléité de contestation

Sur le plan économique, « le pouvoir en place continue de redistribuer la manne des hydrocarbures à la population pour éviter toute velléité de contestation ou révolte. Il redoute un nouveau Hirak, mais il fait aussi le pari, en relançant la construction de logements et en revalorisant les salaires, que les Algériens sont aujourd’hui plus préoccupés par les problèmes de leur vie quotidienne que par la politique », juge le directeur du Cermam.

Le bilan de Tebboune n’est par ailleurs pas si mauvais. « Le pays se porte mieux qu’il y a cinq ans. Le contexte macroéconomique, avec la guerre en Ukraine et la hausse du prix du pétrole et du gaz, a permis d’acheter la paix sociale. Même si la situation reste difficile pour les couches les plus fragiles, la population a été relativement protégée de la crise inflationniste, le système de subventions à l’énergie n’ayant pas été touché », avance l’économiste d’une grande banque européenne.

La croissance reste bonne cette année, avec un PIB qui devrait progresser de 3,8 %, à en croire le Fonds monétaire international (FMI).

Mais le déficit budgétaire se creuse et le pays est la merci d’une baisse des cours des hydrocarbures. Il reste très dépendant des ventes de gaz et de pétrole à l’Europe, son premier client, pour financer ses importations de biens de première nécessité.
La diversification de l’économie et le développement du secteur privé avancent à pas comptés

Source : Les Échos, 7 septembre 2024