Des responsables américains ont dissimulé la mort de civils lors d’une frappe de drone à Kaboul

Une enquête militaire récemment divulguée par les médias américains a révélé que les responsables américains étaient au courant que des civils avaient été tués peu après une frappe de drone menée par les Etats-Unis à Kaboul, en Afghanistan, en août 2021, mais que des officiers supérieurs de l’armée avaient tenté de dissimuler les faits en émettant des déclarations trompeuses dans les semaines qui ont suivi.

MENSONGES INTENTIONNELS

Selon une partie d’un rapport d’enquête partiellement expurgé, que le quotidien The New York Times (NYT) a affirmé dans un article du 6 janvier avoir obtenu par le biais d’un procès contre le commandement central des Etats-Unis, les hauts commandants américains en Afghanistan avaient été informés dans les heures qui ont suivi la frappe de drone du 29 août 2021 près de l’aéroport international de Kaboul qu’au moins trois enfants avaient été tués.

De possibles victimes civiles avaient été signalées dans les 20 minutes suivant la frappe par les analystes militaires américains, qui ont estimé qu’au moins trois enfants avaient été tués environ deux à trois heures après l’attaque, a rapporté le NYT, citant l’enquête.

Dans leurs déclarations sous serment pour l’enquête, six des neuf témoins ont indiqué avoir appris immédiatement après la frappe que le missile avait touché une zone où se trouvaient des civils qui auraient pu être tués en conséquence.

Dans les semaines qui ont suivi, cependant, les hauts responsables militaires ont refusé à plusieurs reprises de confirmer la mort de civils, le commandant du Commandement central, Kenneth McKenzie, déclarant le jour de l’attaque que si les « possibilités » de pertes civiles étaient en cours d’évaluation, il n’y avait « aucune indication à ce jour ».

Trois jours après, Mark Milley, président des chefs d’état-major interarmées des Etats-Unis, a défendu l’opération comme étant « juste ».

Ce n’est que le 17 septembre que M. McKenzie a finalement reconnu que 10 civils, dont sept enfants, avaient été tués dans cette frappe bâclée que les Etats-Unis avaient menée sous une pression extrême.

VERITE DISSIMULEE

Cette opération peu judicieuse était une mesure préventive visant à déjouer ce que les services de renseignement ont estimé être un plan de la branche afghane de l’Etat islamique, ISIS-K, visant à attaquer les troupes américaines en train de se retirer précipitamment d’Afghanistan à l’époque.

Depuis la frappe de drone, de multiples enquêtes extérieures ont révélé que la cible, Zemari Ahmadi, n’était pas un membre d’ISIS-K. Bien au contraire, il était un entrepreneur afghan de longue date travaillant pour un groupe d’aide basé en Californie. D’autres personnes tuées lors de l’incident étaient des membres de la famille de M. Ahmadi.

Ce jour-là, M. Ahmadi conduisait sa Toyota Carolla blanche, dont les agents de renseignement américains pensaient à tort qu’elle était chargée d’explosifs destinés à être utilisés pour bombarder les troupes américaines, pour emmener ses collègues au travail et les en ramener. Ce qui était perçu comme des explosifs dans le coffre s’est avéré être des bidons d’eau qu’il était en train de ramener chez lui pour sa famille.

« Nous pensons maintenant qu’il est peu probable que le véhicule et ceux qui sont morts étaient associés à ISIS-K ou constituaient une menace directe pour les forces américaines », a admis M. McKenzie lors du point de presse du 17 septembre 2021 au Pentagone. « C’était une erreur ».

Un examen ultérieur dirigé par l’inspecteur général de l’armée de l’Air, Sami Said, reste classifié, selon le NYT. Mais M. Said a reconnu que le biais de confirmation – une tendance à rechercher, analyser ou se rappeler des informations de façon à renforcer une croyance préexistante – avait été un facteur important dans la façon dont M. Ahmadi était devenu une cible.

UNE DEMANDE DE JUSTICE DIFFICILE A SATISFAIRE

« Etant donné que le biais de confirmation a été si meurtrier dans cette affaire, il faut se demander combien d’autres personnes ciblées par l’armée au fil des ans ont également été tuées injustement », a estimé Hina Shamsi, une avocate de l’American Civil Liberties Union représentant les familles des victimes, citée par le NYT.

Selon elle, l’enquête obtenue par le quotidien « montre clairement que le personnel militaire a vu ce qu’il voulait voir et non la réalité, (à savoir que) il s’agissait d’un travailleur humanitaire afghan vaquant à ses occupations quotidiennes ».

Emal Ahmadi, le frère de Zemari Ahmadi dont la petite fille Malika a également été tuée dans la frappe, a confié à Xinhua dans un entretien quelques jours après la tragédie que le fait que les Etats-Unis lancent des frappes aériennes qui tuent des civils innocents, y compris des enfants, constitue des crimes de guerre odieux, et que leurs responsables devraient rendre des comptes.

Le ministère de la Défense américain a signalé qu’il ne punirait pas les auteurs de la frappe de drone. Il a promis de dédommager les proches survivants de M. Ahmadi en leur versant des indemnités de condoléances, mais aucun d’entre eux n’a reçu d’aide financière à ce jour.

Source ; Xinhua