Covid-19 : L’économiste Ezzeddine Saïdane juge les décisions de la BCT « Trop peu, trop tard »

Afin de limiter les retombées économiques et sociales de la propagation du Covid-19, la BCT a annoncé une batterie de mesures exceptionnelles. L’économiste Ezzeddine Saïdane est revenu sur ces mesures dans une déclaration à notre confrère « leconomistemaghrebin.com ».

Ainsi, Ezzeddine Saidane a affirmé que certaines des mesures prises récemment par la BCT risquent d’être contre-productives. Dans ce sens, il a cité, par exemple, la mesure consistant à demander aux banques de rééchelonner les échéances de crédits des salariés de la fonction publique. Il s’agit de rééchelonner les échéances de mars à septembre, principal et intérêts, des mois de mars à septembre pour les employés ayant un revenu de moins de 1.000 Dinars, et des échéances d’avril à juin pour les fonctionnaires ayant un salaire de plus de 1.000 Dinars, sans limite supérieure.

A ce sujet, il s’est interrogé : « Quel est l’intérêt et la justification d’une telle mesure ? ». En réponse, M. Saidane a précisé que les salaires des fonctionnaires sont garantis par l’État. Quelle est donc la justification de ce report ? Il n’y en a aucune en effet. Une telle mesure crée une tension inutile sur la trésorerie des banques et limite les possibilités des banques à accommoder les besoins de liquidité des entreprises dans le but d’en sauver le maximum ».

En outre, il a indiqué qu’une telle mesure va créer inévitablement une aisance financière artificielle et provisoire chez les fonctionnaires concernés. Cette aisance financière provisoire va, selon ses dires, être suivie par une accumulation d’échéances plus tard qui peut se traduire par des impayés et des relations tendues avec les banques.

La mesure de suspension de distribution de dividendes par les banques a frappé de plein fouet la Bourse.

Ensuite, notre interlocuteur a cité la mesure qui concerne la recommandation (équivalent d’une instruction) aux banques de ne pas distribuer les dividendes relatifs à l’exercice 2019. Tout en estimant qu’elle est une mesure populiste et clairement contre-productive.

« Il s’agit d’abord de dividendes relatifs à l’exercice 2019 qui n’a rien à voir avec la crise du Covid-19. Si les banques ont un problème de trésorerie, elles peuvent décider librement, et sans besoin de recourir à la BCT, de distribuer les dividendes lorsque leur trésorerie le permet ».

Et d’ajouter : « La date de distribution de dividendes est, en effet, du ressort de l’Assemblée Générale des Actionnaires. Une telle mesure a frappé de plein fouet la BVMT. Cette dernière qui a baissé aujourd’hui de 2,33% après qulques séances de léger redressement suite à une chute vertigineuse de près de 20% depuis le début de la crise du Covid-19. Une telle mesure a aussi approfondi la crise de la Bourse. Il faut noter par ailleurs, qu’une telle mesure a été proposée depuis quelques jours par certains sur Facebook !!! »

Revenant sur la réduction par la BCT du taux d’intérêt directeur d’un point de pourcentage à 6,75%, Ezzeddine Saidane a indiqué que selon la réglementation en vigueur, une telle mesure ne commence à affecter le TMM, et ne commence donc à produire son plein effet qu’à partir du mois de mai.

« Trop peu, trop tard. Il faut poser à ce propos la question de la stratégie de gestion de cette crise sans précédent en termes d’ampleur, de nature et donc de gravité. Faut-il se contenter de suivre les effets de la crise, ou au contraire les anticiper ».

Et de conclure : « Pour gérer efficacement une telle crise, il faut courir plus vite que le vent, il faut anticiper. Il y a aussi un état d’esprit qu’il faut avoir pour gérer la crise de manière responsable: celui qui est chargé d’éteindre le feu n’a pas à se soucier de la facture d’eau ».