Bienvenue à Utopia, Si Ridha !

La longue interview que vient de donner Ridha Chiheb El Mekki, alias Lénine, aux journalistes incultes de la chaîne « Ettasia » confirment les propos que j’ai tenus sur son compte lors des dernières élections présidentielles. Les idées qu’il prône n’ont rien à voir avec le léninisme et le kadhafisme, et encore moins avec l’islamisme. Il est, en réalité, tout empêtré dans les théories anarchistes et socialistes libertaires et leur doctrines corollaires.

Les idées qui ont été développées, tout à l’heure, sur Ettasia par Ridha El Mekki Lénine procèdent d’une idéologie qui vise à « l’abolition de l’Etat et du capitalisme, considérés comme deux formes d’oppression indissociables, et à l’instauration d’une société égalitaire, délestée des principes antisociaux de la propriété privée et des institutions de type étatique, fondée sur l’autogestion et la responsabilité individuelle* ».

Ridha El Mekki Lénine désavoue le régime représentatif car il ne consacre pas pleinement le principe de la souveraineté populaire ; au contraire, il est souvent amené à le cocufier. Notre Noam Chomsky national désavoue la structure pyramidale du pouvoir, laquelle induit de facto une notion de supérieur et d’inférieur. Il désapprouve qu’un État central fort se place au-dessus de la société, emprunte et légitime son autorité par sa capacité à établir un ordre et à régir le quotidien des citoyens. Sauf qu’il ne peut y avoir de conscience unitaire, de peuple unit, de communauté nationale, sans un Etat fort et fédérateur, a fortiori dans une société aussi arriérée que la nôtre.

Pour les gens qui adhèrent aux thèses développées par l’éminence grise de la campagne de Kaïs Saïed, les moyens de production et la chose publique doivent être contrôlés par les citoyens, d’où leur perpétuelle rengaine sur la démocratie directe et la démocratie participative. Ils estiment également que l’impérialisme américain devrait être démantelé et que ses avatars, le côté vénal et corrupteur de la culture occidentale, doivent impérativement passer à la trappe.

Ridha Lénine et ses camarades sont persuadés que les islamistes ne sont pas les ennemis du moment et que leurs idées obscurantistes sont le fruit d’un long processus historique et dues en grande partie à des causes extrinsèques (colonisation, mondialisation, impérialisme…).

Pour ce faire, nos anar’ jobards sont prêts à œuvrer de concert avec les islamistes de toutes tendances confondues au nom de la convergence des luttes, afin de provoquer une rupture avec le vieux système « responsable de tous les malheurs » de la Tunisie et atteindre à terme les lendemains qui chantent de la société dont ils rêvent, une société juste, sans classes… et où l’Etat dépérira.

Quand on essaye de leur expliquer que les islamistes, les crapules de tout poil (contrebandiers, affairistes pourris, etc.) et les imbéciles qui prônent le retour au système féodal tribo-bédouin les phagocyteront à la première occasion qui se présentera, ils s’enferment dans un autisme structuré par le primat anti-daouala fessida, anti-taghaouel, anti-Sahel, anti-bourgeoisie, anti-francophonie, anti-harkis et anti-nantis.

Bref, vous aurez compris que le discours de Lénine n’est en aucun cas léniniste et, hamajiya tribale et absence de civisme aidant, conduit inéluctablement à la déliquescence de l’Etat, ou du moins ce qu’il en reste. Ridha El Mekki pense proposer une alternative à la situation politique et socio-économique difficile dans laquelle se débat le pays, mais en réalité il est plus proche d’une certaine forme de dogmatisme gauchiste qu’autre chose.

Son discours est irresponsable. Il repose sur de vieux rêves et, manifestement, il n’a jamais abandonné l’ambition de les voir se concrétiser un jour. Ses propos pourraient être retranscrits et regroupés dans un petit ouvrage qui porterait le titre suivant : élucubrations d’un gaucho illuminé et fatigué.

Lénine, tu n’es pas Bakounine, tu es sa rature ! T’es juste un bougnoule apprenti-sorcier, en retard de plus d’un siècle, qui a fini par se convaincre qu’il était un théoricien de gauche, un réformiste anarcho-socialiste. Mais les gens se souviendront de toi comme d’une caricature de l’intellectuel de gauche, comme d’un bouffon… un clown dangereux.

Bienvenue à Utopia, Si Ridha !

Pierrot LeFou

*Thuillet Guillaume, « Le système idéal », Paris, Editions Books on Demand, 2011.