Depuis longtemps déjà, le sujet, débattu, malaxé, baratté a tourné à l’aigre. Intellectuellement, je trouve peu ragoûtant de continuer à rogner dans des apprêts fantasques à la recherche d’une vérité qui, parce que nous nous croyons avertis et bons courtisans, nous tient la dragée haute ou qui, parce que nous la craignons, nous fige dans la négation, une confortable ignorance s’il en est. Pour ce faire, les arguments, autant dire les fanfreluches d’une docte gaillardise, ne nous ont pas manqué pour la travestir avantageusement, c’est-à-dire dangereusement.
Pour ma part, je crois qu’avec le vertige collectif subséquent au dernier discours présidentiel, le moment est venu pour nous de regarder la réalité en face, dans toute sa banalité, car elle est une, sans succomber au charme trompeur de la vérité, une notion plus subtile, dont nous oublions souvent qu’en politique elle est plurielle.
De paroles gavés, n’avons-nous pas attendu des actes jusqu’à y perdre raison à notre tour, happés par le manège bariolé de tous les miroirs mensongers et autres pacotilles d’une sorcellerie moderne qui n’a pas de nom ? Le cirque est le mot qui vient le plus spontanément à l’esprit pour combler cette lacune linguistique, d’autant que parmi nous, encore assez nombreux pour rassurer de leurs applaudissements le maitre de chapiteau et l’encourager, sont ceux qui, ayant perdu tout espoir d’un avenir meilleur, croient ne rien perdre au change et y trouver plaisir et amusement.
La situation périlleuse de notre pays, œuvre d’aventuriers sans foi ni loi, installés et réinstallés au pouvoir par nous-mêmes, fait que peu nous importent aujourd’hui les explications de la faillite du dernier choix que nous avons fait pour Carthage, sans égard à nulle autre qualité, de l’intégrité personnelle, une denrée que, d’une déception à une autre, nous avons fini par supposer rare.
L’homme sur lequel nous avons jeté notre dévolu n’est pas à ce point différent de nous qu’il peut indéfiniment continuer de nous intriguer. La vraie question de bon sens que nous avons tardé à nous poser est de savoir si, oui ou non, ses promesses foisonnantes, dont aucune n’a été suivie de la moindre action sont celles d’un homme qui veut du bien à son pays
Abdessalem Larif